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Après Mazars, Armanino et BDO : pourquoi les cabinets d’audit coupent-ils les ponts avec la crypto ?

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Au tour du cabinet d’audit BDO de remettre en cause sa collaboration avec les acteurs de l’écosystème. Tether, Stasis, Revolut, Mercado Bitcoin et Blockchain.com figurent notamment parmi ses clients.

BDO veut prendre ses distances avec l’écosystème crypto

La firme y met les formes, mais le fond du discours ne trompe pas. BDO semble bel et bien mettre un coup d’arrêt à ses services d’audit pour les entreprises de l’écosystème crypto. A commencer par les plateformes d’échange, dont l’actualité orageuse ne vous aura pas échappé.

“Comme plusieurs autres cabinets de services professionnels, nous réévaluons actuellement notre approche de ce secteur et le travail que nous entreprenons pour nos clients”. La déclaration d’un porte-parole du réseau d’audit au Wall Street Journal, vendredi dernier, n’augure rien de bon.

D’abord parce que BDO audite les comptes de plusieurs noms de l’écosystème. BDO Italia audite notamment les réserves de Tether. La branche italienne publie en effet des rapports mensuels sur les réserves en Bons du Trésor et en cash de l’émetteur de l’USDT (à lire ici).

Ensuite parce BDO emboîte le pas à deux autres réseaux d’audit, Mazars et Armanino. Pour ceux qui n’auraient pas suivi l’affaire, rappelons que le cabinet d’audit Mazars devait livrer un audit de la “preuve des réserves” de Binance. Ce qu’il a fait, mais au prix d’un arrêt tout aussi brusque de ses travaux avec l’ensemble des entreprises de cryptomonnaies. Délaissant KuCoin, Crypto.com et donc Binance, Mazars impute sa décision à une “incompréhension publique” suscitée par son travail sur les preuves de réserves de Binance.

BDO est le 7ème réseau de cabinets d’audit à l’échelle mondiale – CityAM (c)
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Audit des preuves de réserve : une image encore trop incomplète

Il faut dire que le document de Mazars ne donnait aucune information sur le passif (les dettes, ndlr) de la plateforme. Pour le géant Binance, il s’agissait pourtant de jouer la transparence après la chute de son concurrent FTX. Pari raté, car l’audit aura eu l’effet inverse : l’inquiétude autour du document trop parcellaire a provoqué un bond des retraits depuis deux semaines. Un montant net de 15 milliards de dollars a été retiré de l’échange selon les données de Nansen

“On ne sait pas jusqu’où la contagion de la solvabilité pourrait aller, et la preuve des réserves n’est pas la même chose que la preuve de la solvabilité”, Le problème avec FTX était que même s’il avait des réserves, ces réserves étaient massivement surévaluées par rapport à leur risque dans un scénario de panique bancaire.”

Les mots sont de Simon Taylor, qui dirige la société Sardine, une startup américaine spécialisée dans l’analyse et la détection de fraude. L’analyste pointe un défaut majeur de la preuve de réserves : elle ne donne pas une image des dettes de la plateforme, uniquement ses réserves en cryptomonnaies. Ainsi une plateforme avec une preuve de réserves solide pourrait s’avérer en réalité être insolvable.

Pour Binance, les chiffres de l’audit confirment que la plateforme détient un total de 582 486 BTC, contre un passif clients de 597 602 BTC (actifs = jetons à disposition dans les différents wallets de la plateforme et passifs = jetons confiés par les déposants). Les réserves de BTC de Binance sont bel et bien en accord avec le fameux “ratio 1:1”.  Mieux que le 1 pour 1, Binance détiendrait même 15 116 BTC en surplus, soit 2,5%.

Extrait du rapport d’audit publié par Mazars, non disponible depuis – Mazars (c)

Pas encore de normes comptables pour les crypto-actifs et les NFT …

L’autre problème réside dans l’absence de référentiel comptable. A ce jour, aucune norme IFRS n’existe pour la comptabilité des crypto-actifs. Un problème davantage mis en lumière lors des audiences sénatoriales sur la faillite de FTX.

John Ray, liquidateur en chef (et donc PDG par intérim), a déclaré aux sénateurs américains que la plateforme utilisait le logiciel QuickBooks ! Un logiciel de comptabilité normalement destiné aux indépendants, commerces et autres petites structures …

FTX avait retenu les services d’audit de la firme Armanino LLP et de Prager Metis CPAs. A ce sujet, J. Ray a déclaré aux sénateurs que son équipe de liquidateurs n’avait pas encore passé en revue le récent rapport audit des comptes remis par Armanino.

Armanino n’a pas attendu pour suggérer son retrait de l’espace crypto. L’information vient du toujours très bien informé ForbesRappelons que Armanino a également mené un audit de preuve de réserves pour la plateforme Kraken en février dernier. Un autre audit a également suivi, cette fois en août. Contrairement à celui de Binance, l’audit d’Armanino a étendu son “scope” au-delà des réserves en bitcoins.

Les réserves en Ethereum, TetherUSD (USDT), USD Coin (USDC), Ripple (XRP ), Cardano (ADA) et Polkadot (DOT) ont été passées au peigne fin.

“Nous devons encore parcourir les livres et les registres et examiner les audits eux-mêmes et voir à quel point ils étaient complets. Nous allons certainement examiner les informations sur les parties liées contenues dans ces audits, s’il y a des notes de bas de page ou des exceptions”

… ni de contrôle interne

On peut en dire autant des normes de contrôle interne. Pour remettre un peu de contexte, les auditeurs ne vérifient pas que les comptes lors d’une mission d’audit. Ils commencent généralement par une revue des procédures. Le but est généralement double : s’assurer que l’entreprise possède une organisation claire et un minimum fiable – puis concentrer l’effort d’audit sur des chiffres potentiellement à risques.

Interrogée par le Wall Street Journal, la responsable des normes comptables “technologiques” à l’ICAEW (un organisme professionnel mondial pour les comptables agréés), Esther Mallowah déclare :

“Si, par exemple, différentes parties ont des créances sur ces actifs, cela ne se traduira pas nécessairement par un rapport de preuve de réserves, et de même, cela ne tiendrait pas compte de l’environnement de contrôle interne de ces sociétés. C’est un début, et c’est mieux que rien, mais je ne pense pas qu’ils fournissent l’image complète dont les investisseurs ont besoin.”

Le secteur des cryptos reste une niche pour les firmes d’audit

Globalement, c’est tout le secteur qui peine à convaincre les grands cabinets d’audit. Interrogé par CNBC, Changpeng Zhao a déclaré que “de nombreux cabinets d’audit ont peur ou sont réticents à travailler avec des acteurs de la crypto”.

Et lorsqu’on lui demande pourquoi Binance n’avait pas engagé d’auditeur des Big Four – le surnom donné aux quatre plus grandes firmes d’audit PwC, Deloitte, EY et KPMG, ndlr – le PDG de Binance a ajouté que ces firmes “ne savent même pas comment auditer les échanges cryptographiques”.

Or il n’est pas impossible pour les plateformes d’échange d’avoir des audits complets. Coinbase, qui est cotée en bourse au Nasdaq, travaille notamment avec Deloitte pour ses états financiers annuels. CoinShares, l’un des plus grands fonds crypto institutionnels, travaille également avec Deloitte depuis 2017.


Les grands réseaux d’audit considèrent la blockchain et les crypto-actifs comme un marché intéressant, mais encore trop confidentiel. En tout cas, par rapport au marché de l’audit bancaire et des fintechs, principale source de revenus des Big Four après les majors pétrolières et gazières.

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Romaric Saint Aubert Crypto-journaliste

Romaric Saint Aubert Crypto-journaliste

Biographie

Romaric est journaliste pour Cryptonaute. Après un passage en faculté de lettres modernes, il s’oriente dans un domaine tout à fait différent, tout en gardant l’œil rivé sur les crypto et l’actualité de l’époque. Il investit alors dans son premier actif numérique : le bitcoin (BTC).

Majoritairement intéressé par Bitcoin, il s’est diversifié plus tard en se penchant également sur le web3, les NFT, les crypto-monnaies et la FinTech. Investisseur aguerri, il est capable d'orienter son entourage et ses lecteurs. Son expérience au sein de l’écosystème crypto et sur la blockchain lui permettent de proposer une actualité précise et experte à ses lecteurs, tout en gardant un recul et une objectivité indispensable à son activité.

Romaric se rend régulièrement en conférence ou à divers événements crypto dans toute l'Europe, notamment aux conférences Bitcoin, au Zebu Live ou aux événements relatifs à la blockchain. Fasciné par ce secteur en plein développement, il aime découvrir de nouveaux projets, apprécie l’innovation, et se laisse porter par son enthousiasme et sa curiosité.

Expertise

  • Bitcoin
  • Cybersécurité
  • Régulation cryptos

Accomplissements

  • Révélé un cas rare de cyberfraude
  • Rencontre avec de nombreux innovateurs de l’industrie
  • Participe à la création d’une équipe dédiée de journalistes

Publications

Éducation

  • Université Polytechnique des Hauts-de-France

Autres

  • Carte de presse FIJ n°1385
  • Journaliste indépendant

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