Un litige entre deux sociétés de l’écosystème Bitcoin, Paymium et BitSpread, a été l’occasion pour le tribunal de commerce de Nanterre de se prononcer sur des caractéristiques essentielles de la crypto-monnaie et la nature d’un prêt en bitcoins.
Bitcoin est un crypto-actif, mais pas une monnaie. L’économiste Michel Ruimy rappelle ainsi que les crypto-monnaies se traitent, non pas sur le marché des changes, mais sur celui des matières premières, les commodities.
Néanmoins, dans le cadre d’un litige commercial opposant Paymium et BitSpread, les magistrats ont prêté au Bitcoin des caractéristiques propres à une monnaie, tout en lui refusant cette qualification juridique cependant.
Le Bitcoin « consomptible » et « fongible » comme la monnaie légale
Précisons que le différend entre les deux acteurs portait sur des prêts en bitcoins accordés par Paymium à BitSpread. Le prêteur, le Français Paymium, exigeait le paiement d’intérêts mais aussi les droits sur les bitcoins cash (BCH) attachés aux bitcoins prêtés et créés suite au hard fork de Bitcoin d’août 2017.
Pour trancher ce litige, le tribunal de commerce de Nanterre a considéré que ces prêts s’apparentaient à des prêts à la consommation. Et dans ce cadre, il a jugé Bitcoin comme « consomptible » et « fongible », contredisant l’argumentation de Paymium.
En clair, le Bitcoin est consommé lors de son usage, « tout comme la monnaie légale, quand bien même il n’en est pas une. » De même, la crypto-monnaie est fongible, c’est-à-dire que chaque bitcoin ne peut être considéré comme unique.
Les juges évacuent ainsi la notion de prêt à l’usage revendiquée par le prêteur pour lui substituer la qualification de prêt à la consommation. Paymium est donc en droit d’obtenir des intérêts de la part de l’emprunteur.
Le prêteur ne peut revendiquer les bitcoins cash issus du hard fork
En revanche, il ne peut réclamer la propriété des bitcoins cash générés suite au hard fork de 2017. Le jugement retient un « transfert de propriété au profit de l’emprunteur », et des risques et bénéfices associés.
En tant que propriétaire des Bitcoins, Bitspread est légitimement en droit d’en percevoir les « fruits », ici les BCH. La justice retient donc dans cette affaire une obligation de remboursement du prêt, pour un montant équivalent, et le paiement d’intérêts.
Concernant les bitcoins cash (BCH) et plus largement les effets d’un hard fork, les magistrats estiment qu’il est de la responsabilité des contractants de définir les modalités afférentes dans le contrat de prêt. Les futurs contrats devraient donc vraisemblablement intégrer des clauses spécifiques.
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