L’annonce de Libra a accéléré les projets des États pour se doter de leurs propres crypto-monnaies nationales et donc régulées. Et la Chine pourrait bien être le premier. Mais son ambition est également de renverser le monopole de SWIFT sur les paiements.
Le directeur de la banque centrale suédoise, Stefan Ingves, reconnaissait récemment que Libra avait joué un véritable rôle de catalyseur du changement dans le monde de la finance et des paiements. La Riksbank envisage ainsi de se doter d’une crypto-monnaie nationale, « l’e-couronne ».
D’autres banques centrales y réfléchissent elles aussi. Et c’est d’ailleurs vraisemblablement le cas de la Chine. Libra pourrait même dans ce domaine jouer le rôle d’accélérateur, voire peut-être aussi de prétexte ou d’opportunité.
Selon Huang Qifan, le vice-président du think tank CCIEE (China Center for International Economic Exchanges), réputé proche des autorités chinoises, la banque centrale du pays étudie même l’hypothèse d’une crypto-monnaie d’Etat depuis plusieurs années.
Une crypto-monnaie souveraine… et aussi contrôlée
La crainte de voir une monnaie électronique privée court-circuiter le contrôle de Pékin ferait-elle office d’aiguillon ? Pour Qifan, les chances de succès de Libra et d’autres crypto-monnaies sont pourtant minces faute de la garantie et de la stabilité apportées par la puissance publique.
“Certaines entreprises tentent de concurrencer la monnaie souveraine en émettant du Bitcoin ou du Libra. Les monnaies décentralisées basées sur la blockchain ne bénéficient pas de la confiance d’un soutien souverain et auront du mal à devenir une réelle richesse”, estime l’ancien directeur du comité des affaires économiques et financières de Chine.
Il en irait tout autrement donc d’une crypto-monnaie émise par une banque centrale. Huang Qifan juge d’ailleurs que la Chine sera probablement la première dans le monde à se doter d’un tel moyen de paiement.
D’après les officiels chinois, le système Digital Currency Electronic Payment (DCEP) sera initialement proposé aux banques commerciales et n’est pas qu’une simple copie de Libra. Si la banque centrale chinoise mène des études sur les crypto-monnaies depuis 2014, elle semble accélérer la cadence ces derniers mois.
Elle a ainsi nommé à la tête du Digital Currency Research Institute, qui pilote le développement du DCEP, son responsable des paiements. Et ce, trois mois après l’annonce de Libra par Facebook, souligne Coindesk.
SWIFT, un système trop américain et jugé dépassé
Contrer les monnaies privées n’est cependant pas la seule raison pour des États, dont la Chine, de s’intéresser à la blockchain et aux cryptomonnaies. Aujourd’hui, un acteur joue un rôle d’intermédiaire incontournable dans le système des paiements internationaux, SWIFT.
Mais ce dernier est loin de donner satisfaction à l’ensemble des nations. Plusieurs d’entre elles, dont l’Europe, le Japon et la Russie s’efforcent de développer des réseaux de paiements alternatifs à SWIFT. La Chine trouverait elle aussi un intérêt à s’affranchir de ce dernier, sous pavillon américain.
Lors de l’Inaugural Bund Financial Summit de Shanghai, Qifan a d’ailleurs souligné que SWIFT et CHIPS (Clearing House Interbank Payments System) permettaient aux États-Unis d’exercer une hégémonie mondiale.
Mais surtout, ajoute le dirigeant, « SWIFT est un système de paiement obsolète, inefficace et coûteux. Depuis la création de SWIFT il y a 46 ans, la technologie a été mise à jour lentement et son efficacité a été relativement limitée. »
En clair, pour la Chine, il est temps de moderniser les systèmes de paiement, mais certainement pas grâce à des projets portés par des acteurs privés comme Facebook et échappant à toute régulation, y compris la sienne.
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