L’annonce de la Banque de France en faveur de la création « éventuelle » d’une monnaie digitale de banque centrale est saluée, mais experts et députés appellent l’institution à ne pas se limiter à une simple expérimentation face à la menace de monnaies privées.
L’annonce était très attendue depuis plusieurs mois déjà. La Banque de France a donc fait un premier pas en faveur d’un E-euro ou monnaie digitale de banque centrale (MDBC). Le gouverneur Villeroy de Galhau a également encouragé ses homologues européens à « saisir cette injonction à l’innovation ».
Mais l’institution française elle-même s’en saisira-t-elle ? Plusieurs députés français impliqués dans les questions numériques ont pris position. Ils appellent la Banque de France à mener l’expérimentation jusqu’à son terme.
Laure de La Raudière, Pierre Person et Jean-Michel Mis « se réjouissent » ainsi de l’annonce du gouverneur de la BdF, mais se déclarent également « vigilants ». Ils espèrent en effet que les tests sur les transactions « de gros » ouvriront effectivement la porte « à un règlement de transactions financières en E-euros. »
Pour ces députés proches de la majorité, un « euro digitalisé sur blockchain » pour le grand-public est un moyen nécessaire, voire incontournable, pour rivaliser avec les monnaies numériques ou stablecoins promus par des consortiums privés, comme Libra.
Les élus insistent donc pour que les expérimentations s’accompagnent d’une réelle volonté d’aboutir à la « création d’un E-euro » utilisable pour l’ensemble des règlements. Et ce rapidement. Seule une « action rapide » garantit ainsi « de ne pas laisser le temps et l’opportunité à des initiatives privées de s’imposer auprès du grand public. »
A l’occasion de la conférence Blockchain Paris de novembre, le pilote blockchain au sein de Bpifrance, Ivan de Lastours, avait déjà mis en garde contre la tentation pour les institutions européennes de temporiser.
“Le risque, si Libra ne voit pas le jour, c’est qu’on remette le couvercle sur la marmite,” commentait-il.
Le mois dernier, Éric Larchevêque, le fondateur de Ledger, exprimait quant à lui son scepticisme quant à la volonté de la BdF de faire aboutir un projet de MDBC.
Il appelait au contraire les pouvoirs publics à se reposer sur Bpifrance ou la Caisse des dépôts. Plusieurs acteurs français de la blockchain se mobilisent par ailleurs pour développer un Euro numérique, parmi lesquels Ark Ecosystem, Ledger, Tezos et LGO.
Au niveau européen, la France peut également compter sur le soutien de la directrice de la BCE, Christine Lagarde. Le 2 décembre, elle a estimé qu’une « monnaie numérique de banque centrale permettrait aux citoyens d’utiliser la monnaie de banque centrale directement dans leurs transactions quotidiennes. »
Pour Villeroy de Galhau cependant, cette étape n’est pas encore d’actualité.
“Je vois un intérêt à avancer rapidement sur l’émission d’au moins une monnaie digitale de banque centrale de gros afin d’être le 1e émetteur au niveau international et tirer les bénéfices réservés à une monnaie digitale de banque centrale de référence,” a-t-il dit.
Mais sans précipitation cependant, ni promesse sur l’étape suivante d’une monnaie accessible aux citoyens : « Nous devons apporter notre pierre à l’édifice de cette innovation, mais de manière sérieuse et méthodique » a-t-il insisté.
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