Lorsque l’on évoque les caractéristiques d’une blockchain, l’idée de décentralisation arrive assez rapidement au coeur du débat. Pourtant, plusieurs éléments tendent à montrer que le marché n’est pas aussi décentralisé qu’il n’y parait. Domination des CEX sur les DEX, protocole Bitcoin articulé autour de la puissance de calcul sont autant d’éléments qui tendent à limiter la portée de la décentralisation.
Le minage Bitcoin et le staking Ethereum sont-ils vraiment décentralisés ?
Si le protocole Bitcoin se veut décentralisé par essence, car n’appartenant à personne, force est de constater que la problématique du minage Bitcoin ne peut l’être entièrement. En effet, dans sa structuration, Bitcoin vise à mettre en concurrence les mineurs. Grâce à un protocole basé sur la puissance de calcul. Et son augmentation. Aujourd’hui, il est devenu impossible pour un mineur isolé de pouvoir miner du Bitcoin et le marché ressemble plus à une compétition entre grands pools de minage. En février dernier, Peter Todd attirait l’attention de la communauté sur le fait que la Pool Foundry USA contrôlait plus du tiers du hashrate Bitcoin.
Not good.
We really need miners to move off Foundry to smaller pools. pic.twitter.com/2jV3ZLDptm
— Peter Todd/mempoolfullrbf=1 (@peterktodd) February 6, 2023
Mais les problématiques se posent aussi sur la blockchain Ethereum. Il y a quelques mois, après The Merge, Anthony Di Iorio, l’un des co-fondateurs du réseau alertait sur la trop grande centralisation du réseau. Mais sur le réseau Ethereum, la question de la décentralisation vient aussi du staking. En effet, près des deux tiers des ETH en circulation sont stakés sur cinq plateformes différentes. Près de la moitié de l’offre serait même stakée sur seulement trois plateformes américaines. Laissant peser un risque de censure important sur le réseau. Risque de censure qui dans le cas des États-Unis serait encore accentué par le resserrement de la vis règlementaire. Surtout lorsque l’on sait que la SEC est entré en croisade contre l’ensemble du marché crypto en 2023 !
Si l’on reprend le cas de Bitcoin, certains argumentent sur une décentralisation modérée en évoquant le contrôle qu’exerce une minorité d’adresses sur la mère des cryptomonnaies. Aujourd’hui, les quatre adresses qui possèdent le plus de Bitcoin détiennent environ 4 % de la supply. Si l’on prend en considération les 2 000 wallets possédant plus de 1 000 BTC, ceux-ci contrôlent près de 40 % des BTC déjà émis. Néanmoins, lorsque l’on compare ces chiffres à ce que l’on peut parfois retrouver chez des groupes cotés en bourse, la problématique ne semble pas
DEX vs CEX : Une bataille qui reste encore inégale
Si le marché crypto se veut décentralisé, la plupart des utilisateurs préfèrent encore recourir à des plateformes centralisées. Le graphique suivant, tiré de la plateforme The Block illustre la dominance des exchanges décentralisés et des plateformes comme Binance ou Coinbase sur les exchanges décentralisés comme Pancakeswap ou Uniswap. En septembre 2023, le volume de crypto échangé sur les DEX ne représentait que 15 % du volume total. La domination des plateformes centralisées reste encore en 2023, sans partage.
Si certains mettent en avant le fait que l’écart se ressert et que les consommateurs tendent à se tourner de plus en plus régulièrement vers des solutions décentralisées, il semblerait que la tendance soit plutôt à la stagnation. Après un pic à plus de 21 % des échanges en mai dernier. L’étude menée par l’ADAN et KPMG sur le comportement des français vis-à-vis des actifs numériques et du web3 tend aussi à aller dans le même sens avec une utilisation massive des plateformes centralisées comme Binance ou Coinbase.
La règlementation : frein majeur à la décentralisation ?
Pour beaucoup, le problème à tous les maux tient en un seul : règlementation. En d’autre termes, le principe même de règlementation empêcherait une décentralisation totale. Car pour règlementer, encore faut-il savoir à qui l’on s’adresse. Dès lors, le marché semble confronté à un dilemme : conserver son idéal décentralisé et rester un marché de niche ou, au contraire, continuer à se développer tout en acceptant le contrôle et une règlementation générale. Pour l’immense majorité des acteurs du marché et des parties prenantes, c’est la deuxième option qui semble avoir été privilégiée.
C’est par exemple le cas de la plateforme Binance. Bien qu’il s’agisse d’une plateforme centralisée, l’exchange dirigé par CZ a longtemps pris le parti de ne pas se doter d’un siège mondial pour chapeauter l’ensemble de ses activités. Une position devenue intenable face à l’expansion massive de l’exchange. Récemment, CZ lui-même à appeler à plus de règlementation. Une prise de position qui tranche définitivement avec la posture qui a été la sienne pendant de nombreuses années.
Source : The Block ; BitInfoCharts
Sur le même sujet :
- Bitcoin est-il encore décentralisé ?
- L’avis du PDG de Binance sur la décentralisation : oui, mais non…
- Telegram désire offrir davantage de décentralisation en réponse à la chute de FTX