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La disparition de l’argent cash : L’exemple suédois

Charles Ledoux
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L’année 2020 est une année pivot pour les actifs digitaux. En cette fin d’année 2020, les cryptomonnaies occupent le devant de la scène avec leurs cours en ébullition. De plus, les gouvernements discutent intensément de la création de monnaies fiat digitales. À côté de ça, l’argent cash perd toujours plus de son attractivité. Longtemps envisagée, la disparition des espèces est plus que jamais d’actualité. À défaut de prévoir l’avenir, on peut tirer des leçons auprès de pays qui sont en avance sur cette question. C’est le cas de la Suède. Découvrons comment le pays se prépare depuis de nombreuses années à une transition vers les paiements digitaux.

La Suède, vers la disparition de l’argent cash

L’utilisation de l’argent cash en Suède

Si vous n’êtes jamais allé en Suède, attention, vous risquez d’être choqué ! Là-bas, il est courant d’apercevoir dans les vitrines de magasins, une affiche « No cash » ou « Card only ». Le monde à l’envers comparé à certaines boutiques des pays d’Europe du Sud où il est plus courant de voir une affiche « No card » !

Mais ce n’est pas tout ! Sachez également que les personnes en précarité financière qui vendent le journal « Situation Stockholm » et les mendiants dans la rue acceptent les paiements digitaux, via carte ou une application mobile. S’ils ont besoin d’un paquet de chewing-gum ou d’un ticket de bus, les suédois paient généralement de manière digitale. Encore plus fort, lors des quêtes, les églises suédoises sont nombreuses à accepter une donation digitale, via l’application smartphone Swish.

En plus de ces usages courants, les chiffres démontrent que la société suédoise est probablement l’une des plus « cashless » au monde ! Par exemple, il faut savoir que quatre transactions sur cinq se font de façon électronique. D’après les données de la banque centrale du royaume de Suède, environ 13 % des personnes déclarent avoir payé leur dernier achat en cash, contre 40 % il y a environ huit ans.

Encore plus frappant, seulement 56 milliards de couronnes suédoises circulent dans le pays. Si le chiffre paraît important, cela ne représente que 1,2 % du PIB total ! Il s’agit du chiffre le plus bas au monde. En Europe, par exemple, la moyenne tourne plutôt autour de 10 %.

Enfin, la Suède a également été l’un des premiers pays à lancer un projet de monnaie fiat électronique avec l’e-krona en 2017. L’e-krona est toujours en développement par la banque centrale de Suède.

Décembre 2007 est considéré en Suède comme le mois « Peak Cash », la période qui a vu la plus forte utilisation de l’argent espèce. Treize ans plus tard, la Suède est donc en avance sur la plupart des pays en matière de transition vers les paiements électroniques. L’occasion d’établir un retour d’expérience…

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La transition vers les paiements digitaux, de nombreux avantages…

Le quasi abandon de l’argent liquide a eu de nombreux avantages.

Un coût de paiement moins cher

Tout d’abord, le coût de paiement a diminué. D’après une étude menée en Suède en 2012, on a estimé que le coût global d’un paiement par carte était de 5,5 couronnes contre 8,3 par espèces. Les commerçants ont donc accueilli favorablement l’arrivée des paiements électroniques. Cela leur a permis de regagner des marges dans leur budget qu’ils ont réinvesti dans d’autres domaines comme le service client ou une baisse des prix.

Les paiements électroniques ont également permis de stimuler l’économie suédoise. En effet, d’après des études, on estime que les consommateurs dépensent plus en payant par carte ou via une application smartphone. En plus d’un aspect psychologique certain, avec du cash, on achète seulement en fonction du budget que l’on a dans ses poches !

Un écosystème industriel

L’arrivée des paiements en ligne a donné un nouveau souffle à l’industrie suédoise. De nombreuses entreprises et start-up se sont mises sur ce créneau et certaines sont même devenues des championnes reconnues. Par exemple, l’entreprise Klarna a été l’un des plus grand succès FinTech en 2019 avec une valorisation dépassant les 5 milliards de dollars. iZettle, de son côté, a su séduire un géant comme PayPal qui l’a finalement rachetée pour 2,2 milliards de dollars en 2018. À une époque où la finance décentralisée (DeFi) est en plein essor, nul doute que bénéficier d’un écosystème industriel tourné vers les solutions digitales est un vrai avantage concurrentiel pour le futur.

Une diminution des vols

Un autre avantage constaté est la baisse des vols. En effet, avec de l’argent dématérialisé, il est évident qu’il y a moins d’occasion de subir un vol ou un braquage. En Suède, en 2017 par exemple, onze vols de banques ont été déclarés, ce qui représente une diminution de 90 % par rapport aux chiffres de 2009. De même, l’attaque de fourgons blindés a diminué drastiquement.

… mais un inconvénient majeur qui amène la Suède à faire marche arrière

Une nouvelle loi qui chamboule tout !

Pourtant, malgré les nombreux avantages liés au cash-free, une loi a pris tout le monde de court le 1er janvier 2020. Cette loi porte sur « l’obligation des institutions de crédit de fournir des services en argent liquide ». La loi prévoit de donner la possibilité aux suédois de retirer de l’argent liquide dans un rayon de 25 kilomètres autour de leur domicile. Ce dispositif doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire suédois à l’exception des coins les plus reculés de Laponie. En gros, il s’agit du retour des distributeurs de monnaies en Suède !

La loi a été votée pratiquement à l’unanimité en novembre 2019 et donne un an, à partir du 1er janvier 2020, pour s’y conformer. À défaut, les établissements bancaires s’exposeront à des sanctions financières.

Trop vite, trop fort… un revirement d’ordre social

Mais quelle mouche a bien pu piquer le gouvernement suédois pour effectuer un tel mouvement inverse ? Bien sûr, avec une adoption de paiements 100 % digitaux, il y a toujours la crainte de subir des cyberattaques. De plus, la disparition de l’argent cash ferait perdre un peu de main mise à la banque centrale suédoise.

Toutefois, la raison principale est d’ordre social. De l’aveu même du gouvernement suédois, il semble que la Suède est allée trop vite dans sa transition. L’amorce du virage cashless a contribué à laisser plusieurs catégories de personnes sur le bord de la route.

« Le paiement électronique présente beaucoup d’avantages, mais on doit également pouvoir utiliser le cash. Les personnes âgées, les handicapés, ceux qui viennent d’arriver en Suède doivent pouvoir payer en liquide. » Per Bolund, ministre des Marchés Financiers de Suède.

Bien que la couverture internet soit excellente dans tout le pays, force est de constater qu’il y a encore des personnes qui ne sont pas prêtes à passer au paiement digital. Personnes âgées, malvoyants, immigrants… Que ce soit une question matérielle ou une affaire de mentalité, il n’en reste pas moins que ces personnes ont été laissées pour compte. En montant des groupes de pression à haut niveau, elles ont su faire entendre leur voix auprès du gouvernement.

Quelles leçons tirer de la Suède ?

Avec le recul dont nous disposons, il est possible de faire un retour d’expérience sur la Suède et sa tentative « cashless ».

Certes, l’objectif de la Suède de devenir le premier pays à faire disparaître les espèces de la circulation connaît un coup d’arrêt avec cette nouvelle loi. Pour autant, l’objectif reste toujours présent. Avec l’évolution de la technologie et des habitudes, la disparation du cash semble faire partie du sens de l’histoire. Peu importe le temps que cela prendra, c’est la direction vers laquelle les sociétés tendent inexorablement. Par contre, l’exemple de la Suède montre que cet objectif nécessite une préparation sur les plans industriel et humain.

Créer un écosystème industriel

Force est de constater que certains pays européens, dont la France, sont encore à la traîne au niveau de la FinTech. L’innovation et l’investissement dans la finance 2.0 ne sont pas encore suffisamment développés. Une transition en douceur nécessite un tissu industriel constitué de start-up dynamiques qui manquent encore.

Les entreprises de technologie de paiement devraient investir pour proposer des solutions innovantes. Par exemple, elles pourraient travailler à développer des solutions de paiements électroniques pour les personnes les moins susceptibles d’y avoir accès, comme les malvoyantes ou les non-bancarisées.

Accompagner les personnes au changement

La société suédoise est l’une des plus technologie-friendly. Depuis la Seconde Guerre Mondiale, la Suède est l’un des pays le plus avant-gardiste : paiement des employés sur compte bancaire dédié dans les années 60, adoption massive de la carte bancaire pour payer dès les années 80, le développement de l’application Swish dès 2012 pour des paiements électroniques, etc. Pas étonnant que ce pays compte de nombreux géants de l’industrie numérique telle que Klarna, Skype, Ericsson ou encore Spotify.

Pourtant, en dépit d’une société naturellement tournée vers les technologies, l’expérience a montré que la Suède est allée trop vite. En particulier, les personnes vulnérables n’ont pas été suffisamment accompagnées. Dans une société française beaucoup plus conservatrice, le besoin d’accompagnement est donc d’autant plus important. Plus globalement, le recours à des campagnes de sensibilisation au digital et l’offre en parallèle de solution apparaît décisif pour une transition réussie vers les paiements digitaux.

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Charles Ledoux

Charles Ledoux

Charles Ledoux est un rédacteur pour Cryptonaute avec une expertise pour les crypto-monnaies et la technologie blockchain. Grâce à sa formation dans la « Crypto-Academy » du célèbre YouTubeur Pompliano, il a pu passer un mois à se former avec les meilleurs spécialistes de l’industrie des crypto-monnaies. C’est en observant des similitudes frappantes entre la permaculture et la technologie du Bitcoin qu’il a réussi à avoir une perspective et une expertise rare sur la technologie et son fonctionnement.

Après avoir écrit son premier livre à 10 ans et plusieurs autres ouvrages depuis, Charles met désormais en pratique son talent d’écrivain pour apporter le meilleur contenu possible aux lecteurs de Cryptonaute. Après avoir rencontré des dizaines d’acteurs majeurs de l’industrie et s’être créé un réseau de centaines de builders web 3, il apportera de nombreux contenus originaux comme des interviews, ou encore des enquêtes exclusives. En plus de son expertise technique sur la technologie blockchain, Charles permettra aux lecteurs d’être au “cœur” de l’industrie crypto.

Déterminé à créer le meilleur contenu possible, il a également le souhait de relayer des informations exclusives qui apportent de la véritable valeur ajoutée à l’industrie florissante des médias crypto.

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