Les activités d’IBM dans la blockchain, une simple coquille vide ? Faux, démontre à Cryptonaute.fr le directeur blockchain de Big Blue en France et en Europe, Luca Comparini. La dynamique des projets est là, comme le niveau de maturité des entreprises.
Chez IBM, rien ne va plus dans la blockchain. C’est en substance ce que suggérait un article de CoinDesk publié en début de mois. Celui-ci a fait couler beaucoup d’encre. Il faut dire que Big Blue est indéniablement l’acteur de référence de la blockchain en entreprise.
Mais le sujet a aussi suscité beaucoup de frustration en interne, comme nous le confie Luca Comparini, directeur de l’activité Blockchain d’IBM pour la France et l’Europe. Pourquoi ? Car l’article ne reflète en aucune façon les performances de la firme dans ce secteur ou la dynamique de son adoption.
La crise source de nouvelles opportunités pour la blockchain
Pour le démontrer, l’expert rappelle que les opérations d’IBM dans la blockchain se développent dans trois grands domaines. D’abord les plateformes et protocoles, auxquels le géant contribue via ses développeurs. Il s’agit ainsi de code versé en Open source à Hyperledger Fabric.
Mais IBM développe aussi du conseil (sa principale source de revenus dans la blockchain) et des solutions. Son responsable en cite trois majeures que sont IBM Food Trust dans la traçabilité alimentaire, TradeLens pour la supply-chain, ou encore Digital Health Pass. Cette initiative vise notamment à construire, via des identités décentralisées, des passeports santé.
Si, pour des raisons politiques, la France se montre réticente à l’égard de tels passeports, notamment pour identifier les vaccinés contre le Covid, d’autres États développent ces projets. Et la blockchain y tient une place importante. Pour IBM, c’est donc l’opportunité de nouvelles sources de revenus.
Car les clients sont bien au rendez-vous. Luca Comparini précise ainsi qu’IBM Food Trust compte aujourd’hui 300 membres dans le monde, c’est-à-dire des clients. Au dernier décompte, ils étaient 175 pour TradeLens. En outre, 600 ports exploitent la solution blockchain, comme les principaux transporteurs maritimes.
« IBM est assez présent par ailleurs sur les applications dans la supply chain, que ce soit dans l’alimentaire, les cosmétiques, le luxe, automobile. Mais les sujets blockchain concernent aussi les identités décentralisées et la monnaie digitale », liste le directeur blockchain.
Des projets toujours plus stratégiques pour IBM
Et ce dernier concède des failles dans la communication d’IBM pour souligner l’investissement de la firme dans la blockchain. De quoi expliquer les doutes quant aux performances commerciales du groupe américain ? C’est peut-être une partie de l’explication.
« Nous sommes cependant au centre de tous les sujets de plateformes avec un sous-jacent blockchain », ajoute Luca Comparini. Par ailleurs, pour des raisons stratégiques, nombre de projets blockchain ne font l’objet d’aucune communication. Une « bonne partie » est même confidentielle, assure le cadre d’IBM.
Et la raison est simple. Ces projets impliquent des écosystèmes entiers et touchent à des opérations stratégiques. Les initiatives se distinguent aujourd’hui nettement de celles des débuts de la blockchain, en 2015 en France. La période se caractérisait principalement par des expérimentations, des PoC.
« La phase de maturité est désormais totalement différente. On est beaucoup plus ancrés dans des sujets de plateformes, data et décentralisée, et d’écosystème. Et si les projets sont confidentiels, c’est en raison de leur nature stratégique pour nos clients. Ils impliquent souvent des plateformes de place autour desquelles interviennent plusieurs acteurs du secteur », déclare le porte-parole.
Renault développe une plateforme de données blockchain
Une bonne illustration, c’est le projet XCEED de Renault visant à assurer la traçabilité de la conformité réglementaire des milliers de pièces détachées qui composent ses véhicules. XCEED implique de multiples fournisseurs, dont IBM, intégrateur de la solution permissionnée Hyperledger Fabric.
Et la crise sanitaire n’est pas venue freiner ces démarches en matière de blockchain, même si elle a pu « ralentir certaines discussions ». Les PoC ont désormais pratiquement disparu. L’exploration technologique s’efface au profit « d’explorations stratégiques ». Mais en outre, le Covid a créé de nouvelles opportunités pour la blockchain, notamment dans les domaines de la santé.
La pandémie est en effet un levier d’accélération de la transformation digitale des organisations. Et IBM se considère comme aux avant-postes. Et cela ne constitue en rien une remise en cause des priorités stratégiques de sa direction, axées sur l’intelligence artificielle et le cloud hybride. Au contraire, assure Luca Comparini, par nature, les projets blockchain sont hybrides.
« La blockchain est nativement hybride cloud. 100% des projets le sont, et vous le vérifiez avec Renault. Il est tout à fait normal que tous les acteurs autour de la table ne s’accordent pas sur le même fournisseur d’architecture IT. La blockhain est ainsi naturellement alignée sur la direction stratégique d’IBM », justifie-t-il.
Cloud hybride et blockchain, un duo naturel
En clair, IBM ne se désengage pas de la blockchain au profit d’autres applications technologiques. Et d’ailleurs, les entreprises françaises se montreraient très actives dans ce secteur. « La performance du business d’IBM en France est assez supérieure à ce qu’elle est en moyenne dans les autres pays d’Europe », assure son dirigeant.
Quant à la blockchain privée ou permissionnée, terme que lui préfère Luca Comparini, elle n’est nullement éclipsée aujourd’hui par son pendant public dans le domaine du B2B. Le cadre ne tient d’ailleurs pas à les opposer. « Le monde des grandes entreprises sera hybride », considère-t-il.
Technologiquement, il salue volontiers les atouts des blockchains publiques comme Bitcoin et Ethereum. « Bitcoin est un exemple magnifique. Son protocole est fascinant, comme la problématique résolue, à savoir apporter de la confiance sur un réseau zéro confiance. »
Pas de religion donc, mais le choix d’une technologie qui répond le mieux aux besoins des entreprises, notamment en termes de performances et de confidentialité, mais aussi à leurs cas d’usage.
« Entre blockchain permissionnée et publique, les cas d’usage sont très différents. Et pour être tout à fait transparent, je ne vois pas le besoin de blockchain publique dans les projets B2B que nous traitons aujourd’hui », conclut le directeur blockchain d’IBM en France.