Les assureurs ont la possibilité d’étendre leurs usages de la blockchain. La démocratisation des monnaies numériques, stablecoins et crypto-monnaies, leur ouvre de nouvelles opportunités.
D’après un chiffre du cabinet PwC, 56% des entreprises du secteur de l’assurance reconnaissent l’importance de la blockchain. Toutefois, elles sont parallèlement 57% à avouer ne pas savoir comment s’approprier cette technologie.
Ce n’est pas le cas cependant de certains assureurs, comme Wakam (ex-Parisienne Assurances), qui automatise la gestion de ses contrats grâce à une blockchain privée. Depuis 2020, il propose aussi de l’assurance auto facturée à l’usage, combinant en outre un enregistrement sur la blockchain Bitcoin.
D’autres assureurs ont quant à eux mené des projets et expérimentations dans ce domaine. Certaines de ces réalisations sont en pause, faute d’un ROI suffisant. D’autres encore ont été arrêtées, à l’image de Fizzy d’Axa, qui avait fait le choix de la blockchain publique Ethereum. La police d’assurance sur les retards de vols prenait fin en 2019.
Le paiement, un obstacle à la blockchain en passe de tomber
MGEN, Malakoff Humanis, Macif… sont parmi les assureurs ayant mené des projets blockchain. Pour le directeur général de Blockchain Partner, Alexandre Stachtchenko, la phase d’acculturation a été réalisée « depuis bien longtemps par les plus avant-gardistes ». Mais selon l’expert, une « barrière subsiste encore ».
Elle serait toutefois en passe de tomber. Et cet obstacle, c’est celui du paiement. «La plupart des projets que nous avons menés présentaient un potentiel de retour sur investissement très intéressants. Cependant, tout ne fonctionnait pleinement qu’avec des paiements en crypto-monnaies », témoigne-t-il.
L’automatisation permise par les smart contrats de la blockchain ne gère pas aujourd’hui l’euro, imposant par exemple de recourir à de l’Ether, comme c’était le cas pour Fizzy d’Axa – même si l’assureur gérait la conversion des euros de ses clients.
L’émergence des stablecoins en euro pourrait ainsi permettre de lever ces barrières et de favoriser le développement de la blockchain dans l’assurance. Ces euros numériques sont désormais une question de mois, voire de quelques années pour les plus pessimistes.
Les crypto-monnaies comme moteur d’innovation
« La plupart des compagnies d’assurance et des mutuelles ont déjà des projets techniques dans les tiroirs. Certains sont mêmes déjà développés et n’attendent qu’une mise en production (…) Les assureurs traditionnels sont sur les starting-blocks » soutient Alexandre Stachtchenko.
Les avancées en Europe autour de la réglementation des crypto-monnaies stables (adossées à l’euro et plus seulement au dollar) devraient ainsi étendre l’usage de la blockchain au-delà de l’amélioration des services existants.
Toutefois, l’automatisation permet déjà de concevoir de nouveaux services d’assurance reposant sur le paiement à l’usage. Ce modèle de consommation est d’ailleurs en plein boom. Pour Wakam, la blockchain est ainsi le moyen de baisser ses coûts de transaction et d’assurer des risques de moindre valeur.
Pour le patron de Blockchain Partner, l’expérience Fizzy pourraient ouvrir la voie à la couverture de risques de petite taille. « Ceux-ci sont aujourd’hui trop coûteux à assurer. Grâce à la réduction que permettent les blockchain et cryptomonnaies, il sera envisageable de les assurer demain. »
La démocratisation des crypto-actifs fait naître de nouveaux marchés
Stanislas Barthélémi, de Blockchain Partner, rappelle qu’IT et gestion de contrat représentent déjà 40% du coût d’une assurance. Avec des coûts de structure moindres, de nouveaux assureurs s’emparent de marchés émergents comme la crypto.
La compatibilité d’un euro numérique avec les smart contracts ouvrira là aussi de nouvelles possibilités et marchés pour les assureurs et les banques. La démocratisation des crypto-actifs est là encore un vecteur de transformation dans le secteur de l’assurance.
« Les acquéreurs de ces crypto-actifs vont vouloir les sécuriser et les rendre productifs sur les briques de la finance décentralisée. Ce mouvement est déjà perceptible aux États-Unis » souligne le consultant. Les assureurs devraient donc à terme se mobiliser pour adresser ce marché.
La société de conseil entrevoit ainsi l’émergence de produits d’assurance autour de la conservation des actifs (custody), mais aussi à destination de nouveaux acteurs de la finance numérique comme Binance et Coinbase. Leurs services gèrent en effet au quotidien plusieurs milliards de dollars de transactions.
Les assureurs traditionnels doivent cependant acquérir de nouvelles compétences. Il leur faut comprendre ces nouveaux modèles et valoriser de manière adéquate les risques. Cela passe par une compréhension technique des technologies de la finance décentralisée et une capacité d’audit des protocoles de la DeFi.