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MiCA, et maintenant ?

David Rajaonary
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Ce jeudi 20 avril a peut-être vu la naissance d’un enfant de l’Europe et du numérique. L’esprit européen, toujours en quête d’harmonisation et de dirigisme, se réincarne dans cet acte législatif qui promet d’apporter un cadre réglementaire aux acteurs de la cryptosphère. La gestation n’aura pas été de tout repos. Après plusieurs mois de négociation, le texte de MiCA était prêt à être voté depuis six mois, mais il a été repoussé à deux reprises à cause de problèmes de traduction. Le texte de 560 pages devait être traduit dans 24 langues. Heureusement, les complications techniques n’auront pas empêché d’accoucher d’un cadre abouti, le plus abouti à l’heure actuelle pour mettre de l’ordre dans la cryptosphère.

MiCA, quand l’Europe façonne son berceau numérique

“MiCA est essentiel pour permettre au secteur de se développer tout en offrant une meilleure protection aux utilisateurs”, déclare Peter Kerstens, le monsieur “stabilité financière” de la Commission européenne. Après plus de deux ans de débats, le Parlement européen a adopté ce jeudi après-midi les textes MiCA (Marchés des Crypto-Actifs) et TFR (Transfer of Funds Regulation), qui offrent à l’Union européenne un cadre pour les crypto-actifs.

Le texte MiCA, le plus crucial, prévoit plusieurs mesures :

Un agrément européen pour les plateformes : Cet agrément (CASP) n’est pas obligatoire, mais seules les entreprises qui l’obtiendront pourront faire de la publicité et prospecter des clients en Europe. L’agrément sera accessible à partir de 2024, et les plateformes auront 18 mois pour se conformer.

Obligation d’informer les clients sur l’impact environnemental des crypto-actifs : Les CASP devront révéler le mix énergétique utilisé par chaque crypto. Étant donné les divergences sur les méthodes de calcul, on leur souhaite bon courage!

Les plateformes devront vérifier l’identité du propriétaire d’un portefeuille auto-hébergé (la mention de portefeuille non-hébergé a été retirée) si une opération passe par elles.

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Une période “de transition” pour les exchanges et les émetteurs de stablecoins

Suite au vote, le texte sera publié au Journal officiel de l’Union européenne, probablement en juin. Cette étape est essentielle, car c’est à partir de cette date que commencera la période de transition durant laquelle l’industrie – et les États – devront s’adapter à la nouvelle régulation avant qu’elle ne devienne obligatoire.

La période de transition pour les stablecoins s’étend sur 12 mois. La période de transition pour le reste de la législation dure 18 mois.

Au cours de cette période, l’ESMA et l’EBA devront dévoiler la “seconde couche” de la régulation, c’est-à-dire les modalités précises d’application de MiCA, ainsi que les lignes directrices de leur doctrine concernant la supervision des cryptos – ces deux régulateurs sont déjà en charge des services financiers et des banques.

Les acteurs de l’industrie ont désormais entre un et deux ans pour se conformer à ces régulations, selon leur situation. L’entrée en vigueur du texte aura lieu au plus tôt au printemps prochain.

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L’Europe désormais prête à accueillir ses premières crypto-banques régulées

Moins d’escroqueries et de vols dans le monde des cryptos

Le règlement MiCA vise à clarifier les règles pour les acteurs des cryptomonnaies et à garantir leur respect. Il instaure le concept de prestataires de services sur crypto-actifs (CASP), inspiré des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) supervisés par l’AMF en France depuis 2019.

Les courtiers et plateformes d’échange devront obtenir une licence CASP auprès d’un État membre de l’UE, leur permettant d’opérer légalement dans les 27 pays sans devoir être agréés par chaque État membre. Pour obtenir cette licence, ils devront publier un livre blanc, mettre en place des dispositifs anti-blanchiment et anti-financement du terrorisme, et offrir des garanties en matière de sécurité, de fonds propres et d’information des clients. Ils seront tenus responsables des pertes de clients résultant de piratages ou de défaillances opérationnelles évitables.

Cette réglementation assainira le secteur des courtiers et plateformes de cryptomonnaies, réduisant drastiquement les risques d’escroqueries et de vols pour les utilisateurs. Les acteurs légitimes prédomineront, mettant fin au Far West.

Europol et Eurojust devraient obtenir une rallonge sur leur budget de fonctionnement, à la manière de la SEC (Etats-Unis) qui demande 2,4 milliards $ en plus pour surveiller l’industrie crypto

Un encadrement renforcé pour les stablecoins

Le règlement MiCA prévoit un encadrement plus strict des stablecoins, ces cryptomonnaies adossées à une monnaie réelle, un panier de monnaies, une ressource ou un indice boursier. Les autorités européennes adapteront leurs exigences selon le type de stablecoins, les règles les plus rigoureuses concernant les cryptomonnaies liées à une seule monnaie fiduciaire, appelées jetons de monnaie électronique.

Les entreprises émettant ce type de stablecoins devront constituer des fonds propres significatifs pour garantir leur solvabilité, voire être agréées en tant qu’établissement de crédit ou émetteur de monnaie électronique selon les cas.

Bien que n’affectant pas directement les utilisateurs finaux, cette mesure limitera les abus avec les jetons numériques adossés à la monnaie unique et réduira les risques de déstabilisation économique dans la zone euro. FORGE (Société-Générale) a attendu le lendemain du vote de MiCA pour dévoiler son stablecoin euro CoinVertible, qui respecte déjà en tous points les directives de MiCA et TFR.

Société Générale vient de lancer son premier stablecoins ur la blockchain Ethereum et adossé à l’euro

Sécurité accrue et anonymat réduit

L’encadrement du marché des cryptomonnaies offre une sécurité renforcée, mais au prix d’un contrôle accru des transactions. Le règlement TFR instaure une “règle de voyage” s’appliquant lors d’un transfert entre deux CASP, dès le premier euro.

Les entreprises de cryptomonnaies devront identifier les donneurs d’ordre et les bénéficiaires des transactions, en fournissant aux autorités des informations telles que noms, prénoms, portefeuille de destination, numéros de compte, adresse postale, numéro d’identité, date et lieu de naissance.

Nous l’expliquions en décembre dernier : lors d’un transfert entre une plateforme et un portefeuille personnel de plus de 1 000 €, l’identité du propriétaire devra être vérifiée une fois. Cette mesure renforce la lutte contre la cybercriminalité, comme les rançongiciels utilisant les cryptomonnaies, mais remet en question l’idéal libertaire de la crypto-économie.

En attendant le “wallet européen”, les échanges de crypto mèneront une due dilligence sur chaque transaction d’une valeur de 1 000 € ou plus

NFT, une incertitude persistante

Les réglementations MiCA et TRF laissent subsister des interrogations, en particulier en ce qui concerne la finance décentralisée (DeFi) et les jetons non fongibles (NFT). En effet, ces textes ne prennent pas clairement position sur ces sujets, laissant à chaque État membre le soin de déterminer si les NFT doivent être considérés comme des crypto-actifs ou non.

Il est possible que cette situation évolue dans les prochains mois, notamment avec l’introduction d’un potentiel règlement MiCA II, dont on a déjà entendu parler à plusieurs reprises. Cette nouvelle législation pourrait venir apporter des précisions sur le statut des NFT et de la DeFi au sein de l’Union européenne. Le vide juridique laisse les amateurs et les investisseurs de NFT confrontés à une certaine incertitude, ce qui peut freiner le développement de ces marchés et soulever des questions sur leur pérennité.

En attendant, MiCA est un nouveau-né qui fait déjà parler de lui : la réglementation européenne des crypto-actifs se fait doucement un nom dans le monde du numérique, quitte à inspirer outre-Atlantique où Gary Gensler ne devrait pas faire long feu à la tête de la SEC après avoir été malmené par des parlementaires pour son application au doigt mouillé des règlesmais quelles règles ?


Sources : Coin Telegraph


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David Rajaonary

David Rajaonary

David est analyste financier indépendant, et décrypte chaque dimanche pour vous l’actualité de la crypto et de la finance de la semaine. Il écrit régulièrement quelques papiers pour analyser des acteurs clés de la DeFi, des stablecoins et des monnaies numériques de banques centrales.

Diplômé en Finance et Comptabilité, David exerce depuis 10 ans dans l’Audit, le Conseil en management et l’Analyse financière. Ses premiers pas dans la crypto datent de 2020, avec l’étude de projets de monnaies numériques de banque centrale (MNBC) et de registres distribués (blockchains privées).

Depuis, David écrit régulièrement sur la percée des projets Ripple (XRP), Stellar Lumens (XLM) et Chainlink (LINK). Dans ses articles, il vous montre comment ces projets blockchain s’immiscent et transforment silencieusement le monde bancaire et celui de l'investissement.

Paiements transfrontaliers, transferts d’argent, bancarisation des populations vulnérables, prêts, tokénisation de titres financiers, tokénisation de biens immobiliers, lutte contre la fraude, sécurité … sont le fil conducteur de ses articles.

(Petit disclaimer : il s’exprime à titre personnel et son traitement de l’actualité ne constitue en rien des conseils d’investissement, ni des incitations à acheter ou à vendre des cryptomonnaies. Les prises de position, critiques et conclusions sont établies toujours dans le respect des principes d’éthique et de transparence journalistiques)

Quand il ne rédige pas sur la crypto, David aime explorer l’histoire de l’Art africain et des civilisations arabes.

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