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Rumeurs, retraits massifs, démission de Mazars : faut-il avoir peur pour Binance ?

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Hier dans la journée, Brian Shroder (Binance US) a assuré sur Twitter que la plateforme d’échange était prête à “traiter jusqu’au dernier retrait du dernier client, contrairement à certains concurrents”. Une réponse de circonstance dans un contexte de retraits massifs. Car Binance détenait encore 70 milliards de dollars en cryptomonnaies il y a un mois. Les données on-chain montrent que ces réserves ont baissé à environ 55 milliards. Y a-t-il des raisons d’avoir peur ?

Entre rachat de Voyager et tweets rassurants, comment va Binance ?

Contre rumeurs et marées, les choses semblent plutôt normales chez la plateforme. Elle a même bouclé ce lundi le rachat des actifs de Voyager pour 1 milliard de dollars, via sa branche américaine Binance.US. Un choix dicté par les événements récents, car les dirigeants de Voyager avaient accepté une offre de FTX pour le même montant fin octobre.

Pourtant il y aurait bien des raisons pour Changpeng Zhao et Brian Shroder d’avoir le masque. D’abord parce que Binance continue d’enregistrer des retraits massifs depuis la semaine dernière. En tout plus de 15 milliards à l’heure où nous écrivons ces lignes. En effet, 4,27 milliards de dollars ont été retirés rien que la journée du 14 décembre, si l’on consulte les données historiques du portail Defi Llama.

Les données on-chain donnent une idée plus juste de cette vague de retraits. Il semble que les retraits ne concernent pas vraiment les particuliers. Il s’agit principalement d’une poignée de “market makers” tels que Jump et Wintermute. Ces deux acteurs ont en effet retiré l’intégralité de leurs fonds de Binance le 12 décembre.

Coup de chaud sur Binance, avec des retraits massifs

La plateforme détient encore 55 milliards en cryptos

Bien que ces chiffres impressionnent, il faut les remettre dans leur contexte. La preuve de réserve de Binance montre encore environ 55,2 milliards de dollars à l’heure où nous écrivons ces lignes. Inutile de le nier, Binance a perdu des plumes, car elle détenait encore 70 milliards de dollars avant le début de tout ce chahut actuel.

Mais si la plateforme était réellement à la dérive, ses réserves en stablecoins et altcoins devraient être proches de zéro. Or, c’est loin d’être le cas : les données on-chain montrent que Binance détient encore plus de 22 milliards de dollars en stablecoins et plus de 5 millions de jetons ETH !

Les données on-chain de Binance sont disponibles en temps réel sur le portail Nansen – Nansen (c)
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Le Binance Coin (BNB) n’est pas le FTX Token (FTT)

Le token FTT a été le principal détonateur de l’explosion en vol de FTX. La plateforme de Sam Bankman-Fried utilisait massivement son “token d’exchange” pour garantir des emprunts ici et ailleurs, y compris chez … Binance.

Pour simplifier, FTX utilisait un mécanisme que connaissent bien les banques traditionnelles, à savoir mobiliser les fonds des déposants pour les prêter à d’autres clients contre intérêts. Le tout en gardant une fraction bien au chaud pour passer les fameux “stress tests” exigés par les règles prudentielles.

Sauf que le château de cartes de FTX était construit sur une absence totale de garanties. Pas de BTC, pas d’ETH, encore moins de Bons en Trésor US ni d’espèces conservées chez une banque.

Si l’activité de Binance était construite de la même manière sur son propre token BNB, nous pourrions avoir plus de raisons de nous inquiéter. Fort heureusement, seulement 10% des réserves de Binance sont constituées de BNB. Pour comparer, KuCoin a un ratio équivalent pour son token KCS, OKX également sur son OKB et Crypto.com sur son CRO.

Le BNB diffère également de FTT sur un point important : son utilité. Le FTT a été utilisé pour bénéficier de remises sur les frais de trading FTX. Alors que le BNB ne l’est plus : il est principalement utilisé pour valider et payer les frais de transaction sur la deuxième plus grande blockchain, la BNB Chain.

Plus qu’une différence, c’est un paradigme différent. Bien sûr, comme l’ensemble des altcoins, le BNB n’a pas échappé au marché baissier. Mais il conserve des fondamentaux solides et intéressants à long terme.

Le BNB est dans une dynamique baissière, mais il surperforme le marché – TradingView (1sem)

Quelles sont les lacunes du fameux “audit” de Mazars ?

Au centre des rumeurs attisées par Jesse Powell, le PDG de la plateforme concurrente Kraken, il y a évidemment le fameux audit mené par Mazars. Dès la parution du rapport d’audit, le célèbre dirigeant n’a pas tardé à faire part de ses doutes. Il a notammé résumé sa pensée sur un tweet désormais célèbre :

“Le gros red flag pour moi ici est que [ce rapport] semble être plus une tentative de prouver les garanties plutôt que de prouver les réserves. Ils admettent même être insolvables en ce qui concerne les actifs réels dus par rapport aux tokens détenus. L’astuce de comptabilité des “garanties” est précisément la façon dont FTX a voulu simuler sa solvabilité”

Ce rapport est-il si mauvais ? Il est vrai que d’abord, le rapport ne concerne que les réserves de Binance en BTC :

“Aux fins de cet engagement, les comptes spot, options, marge, contrats à terme, financement, prêt et gain des clients pour bitcoin (“BTC”) et bitcoin enveloppé (“BBTC” et “BTCB”) détenus sur le Bitcoin, Ethereum, BNB Les blockchains Chain et Binance Smart Chain seront définies comme les Actifs In-Scope.”  

Outre un focus assez curieux sur le Bitcoin, les auditeurs se sont limités à une sélection d’adresses publiques choisies par … Binance elle-même :

“… (Mazars va) rechercher la ou les adresses ETH et/ou BSC sur Etherscan et BSCScan respectivement pour s’assurer que les adresses ont été étiquetées comme appartenant à Binance.”

Le choix du périmètre d’audit laisse déjà songeur, alors que normalement il aurait dû s’agir d’un audit exhaustif.

Note : le rapport n’est plus accessible via le lien publié initialement.

Des chiffres qui ne concernent que les réserves en Bitcoin

Extrait du rapport d’audit de Mazars sur les réserves en Bitcoin de Binance – Mazars (c)

Au moment de la publication du rapport, les chiffres confirment donc que Binance détenait bien – comme la plateforme l’affirmait – un total de 582 486 BTC, contre un passif clients de 597 602 BTC. Pour remettre un peu de contexte, actifs = jetons à disposition dans les différents wallets de la plateforme et passifs = jetons confiés par les déposants sur la plateforme.

Grâce à ces chiffres, le public a pu être rassuré en concluant que les réserves de BTC de Binance sont bel et bien en accord avec le fameux “ratio 1:1”.  Mieux que le 1 pour 1, Binance détiendrait même 15 116 BTC en surplus, soit 2,5%.

En effet, les utilisateurs de Binance peuvent également lui emprunter des BTC. Et cela dans le cadre de son programme Binance Earn. Lorsqu’on prend en compte ces prêts de 21 860 BTC (21 860 = 597 602 – 575 742) dans les actifs de Binance, ses passifs se réduisent à 575 742 BTC, indiquant que Binance détient bien un surplus de 15 117 BTC. Vous suivez ?

Sans chiffres de Mazars, que penser des réserves en ETH et autres altcoins ?

L’audit de Mazars est plus qu’encourageant car il montre que les fonds en BTC de Binance sont bel et bien SAFU (une expression que son PDG Changpeng Zhao aime bien répéter, en référence au fonds d’indemnisation Secure Asset Fund for Users, ndlr). Mais dans le contexte actuel, le doute est le pire des ennemis.

D’abord, il y a l’absence de chiffres vérifiés sur les réserves en Ethereum et même les stablecoins. Qu’en est-il des actifs en USDT, en BUSD et même en BNB ? A combien s’élèvent les dettes de Binance sur ces mêmes actifs ?

Ensuite, il y a un problème sur les actifs en Bitcoin. Le rapport n’indique pas quelle est la valeur des actifs “wrapped” basés sur Bitcoin, émis sur des blockchains telles que Solana, Avalanche, BNB Chain. En effet, il faut rappeler que Binance émet sur sa blockchain des jetons synthétiques tels que le Bitcoin BEP2 (BTCB), garantis en véritables BTC.

Parcellaire ? Trop convenu ? Vérifications superficielles ? Tous ces questionnements ont conduit le cabinet Mazars à arrêter les frais le 16 décembre. Le terme “suspendu” est utilisé, mais on voit mal la firme d’audit redémarrer ce type de missions.


Tous ces chiffres, mis bout à bout, montrent que tout ce FUD secoue bien le navire Binance. Mais la situation n’est certainement pas aussi mauvaise que le laisse penser tout ce chahut sur Twitter. Le terme “Bank run” n’est pas le moins du monde approprié (bank run = panique bancaire, ndlr). Binance est un bourse d’échange, pas une banque. Il y a des preuves qu’elle détient bel et bien tous les dépôts de ses clients en 1 pour 1. Contrairement à FTX, Binance semble bel et bien en mesure de traiter les retraits, jusqu’au dernier.

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Romaric Saint Aubert Crypto-journaliste

Romaric Saint Aubert Crypto-journaliste

Biographie

Romaric est journaliste pour Cryptonaute. Après un passage en faculté de lettres modernes, il s’oriente dans un domaine tout à fait différent, tout en gardant l’œil rivé sur les crypto et l’actualité de l’époque. Il investit alors dans son premier actif numérique : le bitcoin (BTC).

Majoritairement intéressé par Bitcoin, il s’est diversifié plus tard en se penchant également sur le web3, les NFT, les crypto-monnaies et la FinTech. Investisseur aguerri, il est capable d'orienter son entourage et ses lecteurs. Son expérience au sein de l’écosystème crypto et sur la blockchain lui permettent de proposer une actualité précise et experte à ses lecteurs, tout en gardant un recul et une objectivité indispensable à son activité.

Romaric se rend régulièrement en conférence ou à divers événements crypto dans toute l'Europe, notamment aux conférences Bitcoin, au Zebu Live ou aux événements relatifs à la blockchain. Fasciné par ce secteur en plein développement, il aime découvrir de nouveaux projets, apprécie l’innovation, et se laisse porter par son enthousiasme et sa curiosité.

Expertise

  • Bitcoin
  • Cybersécurité
  • Régulation cryptos

Accomplissements

  • Révélé un cas rare de cyberfraude
  • Rencontre avec de nombreux innovateurs de l’industrie
  • Participe à la création d’une équipe dédiée de journalistes

Publications

Éducation

  • Université Polytechnique des Hauts-de-France

Autres

  • Carte de presse FIJ n°1385
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