De curieux contrastes dans la cité-Etat. En décembre dernier, la Monetary Authority of Singapore (MAS) déclarait une centaine d’acteurs crypto persona non grata. En juillet dernier, c’est contre le trading crypto destiné au grand public que le régulateur durcissait le ton. Sa position vis-à-vis du trading retail contraste fortement avec son attitude accomodante face aux projets blockchain, fonds spéculatifs et grandes banques. Ainsi de la DBS Bank, qui vient d’étendre ses services de trading de Bitcoin et d’altcoins à sa clientèle fortunée.
La DBS Bank étend le trading de cryptos à sa clientèle patrimoniale
Par le montant de ses actifs sous gestion (291 milliards de dollars fin 2021), la DBS est la plus importante banque d’Asie du Sud-Est.
Et la DBS aime les cryptos. Ou plutôt, l’énorme manne financière apportée par les projets blockchain basés à Singapour et l’intérêt des fonds traditionnels locaux pour les cryptos.
Jusqu’ici la DDEx comptait environ 1000 clients accrédités, et brassait un volume annuel de 1 milliard de dollars. Le mois de juin a vu un bond des achats de BTC (+300%) et d’ETH (+65%) sur la plateforme, comme le rapportaient nos confrères de Cointelegraph.
La DBS a décidé d’étendre l’accès à sa clientèle fortunée, triée sur le volet : il faudra que le client cryptophile détienne au moins 246 000 dollars de disponibilités.
L’élargissement de la cible doit permettre de faire passer la DDEx de 1000 à 300 000 clients d’ici la fin 2023.
Singapour, place forte du trading crypto institutionnel …
Le désastre du fonds spéculatif Three Arrows Capital (3AC) a au moins eu ce mérite. Celui de mettre en lumière l’importance prise par les cryptomonnaies dans le trading institutionnel à Singapour.
La majorité des fonds spéculatifs, family offices et fonds de placement locaux détiennent des BTC et altcoins dans leur portefeuille. Depuis janvier 2020, le régime fiscal des entreprises (régi par l’Inland Revenue Authority) exempte de taxes et autres prélèvements les gains en capital sur crypto-actifs.
Plusieurs acteurs importants du minage de cryptomonnaies s’y sont installés. Tous s’alimentent soit en hydroélectricité, soit en solaire. Saitech, le plus important d’entre eux, a même intégré le le Nasdaq.
Mais ce sont surtout les sociétés blockchain “d’infrastructure” que le gouvernement entend séduire. Dans son rapport sur la fintech locale en 2021, le cabinet KPMG a mis en évidence que plus de 30% des investissements dans la fintech à Singapour concernaient les technologies sous-jacentes à la crypto.
Si les investissements totaux du secteur sont passés de 2,5 milliards à plus de 3,9 milliards de dollars à fin 2021, la portion liée aux projets blockchain a été multipliée par 13 !
… mais désert annoncé pour le trading crypto retail
En trois ans, le vent a tourné pour les crypto-bourses à Singapour.
On se souvient qu’en 2019, la MAS avait dévoilé un projet de loi visant à créer un agrément spécifique pour les exchanges cryptos et les prestataires de paiement en actifs numériques. Une vision de “Silicon Valley de la crypto” qui lui avait valu plus de 300 demandes d’agrément. Plusieurs grands noms étaient sur les rangs : Alphabet (maison-mère de Google), Alibaba, Binance, FTX …
⚠️ Puis fin 2021, premier changement de ton. Le régulateur a décidé de durcir le ton face au trading de cryptomonnaies par les particuliers, invoquant les risques de surendettement, de blanchiment d’argent et de financement d’activités illégales. Depuis 2017, les publicités étaient déjà interdites. Mais cette fois il s’agissait de restreindre encore plus l’accès au trading avec effet de levier.
103 entreprises en font les frais. Opérant toutes sous un régime suspensif, leurs exemptions de licences sont révoquées. Parmi elles, les filiales de Revolut, BitGo et de Bitxmi. Les gros bras tels que Bitstamp, Coinbase, Binance et Gemini échappent au couperet mais certains, à l’image de Binance, décident tout de même de plier bagages.
⚠️ En juin dernier, la MAS enfonce le clou en durcissant les conditions d’obtention d’un agrément de crypto-bourse. La sémantique employée ne trompe pas, le porte-parole du régulateur, Sopnendu Mohanty, évoquant une position volontairement “brutale et implacablement dure” pour rendre le processus “draconien” pour les candidats.
En Europe, la dernière mouture de la loi MiCA ne semble pas avoir découragé des acteurs tels que Binance. Ceux-ci se préparent donc en vue de poser leur candidature au futur agrément de « prestataire européen » inspiré de l’agrément PSAN mis sur pied par l’AMF. En attendant, ils avancent leurs pions – nous parlions récemment de FTX, Coinbase, et même de Revolut.