Qu’il semble déjà loin, ce mois d’avril où Sam Bankman-Fried fanfaronnait avec “son” projet Solana, devant un parterre d’invités à l’évènement Crypto Bahamas. Entre joyeuses poignées de main avec Bill Clinton, Tom Brady, Orlando Bloom et de petites sauteries égayées par DJ Steve Aoki, le fondateur mettait la “Visa des cryptos” au cœur des échanges. Car les débuts de Solana ont été discrets jusqu’en juillet 2020, moment choisi par FTX et l’une de ses filiales pour y lancer leur échange décentralisé Serum.
Aujourd’hui, le contraste est saisissant, car Solana ne compte plus que 220 millions investis sur son réseau. Loin, bien loin des 4 milliards de l’époque.
Le SOL en chute libre : -96% depuis le début de l’année
Commençons par le signe le plus visible des déboires du projet Solana : le SOL. Car la chute de son jeton natif, déjà inquiétante, a viré ces dernières semaines au dramatique. Après un plus haut à 260 $ en novembre 2021, le SOL a désormais perdu les 10 $. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il navigue à 9,44 $, soit un bien triste -96% depuis le début de l’année.
Sur le graphique hebdomadaire, on peut voir que le biais est baissier depuis un bon moment déjà. Le cours a successivement transpercé son support à 33$, puis celui à 20 $ et enfin celui à 14$. Difficile de le voir inverser la tendance et on ne peut s’empêcher de penser au support de 5$, et finalement une catastrophe parachevée en-dessous des 3 $.
Prédiction de prix : La spirale baissière du SOL devrait se poursuivre jusqu’au début de l’année 2023. La juste valeur du jeton est selon nous située au-delà des 20 $. La patience sera nécessaire, nous ne voyons pas un rebond durable avant la fin du premier semestre. Et encore, il faudra compter sur une embellie généralisée du marché. Il faut savoir qu’avant même la crise FTX, le SOL a été davantage affecté par le retournement du marché observé depuis janvier que le BTC ou l’ETH.
La DeFi sur Solana : une crise de liquidité après la mise en faillite d’Alameda Research
Alameda possédait près de 800 millions de dollars en jetons SOL. Il n’en fallait pas plus pour que la finance sur Solana connaisse une véritable crise de liquidité après la chute de FTX et de son fonds spéculatif. Comme souligné en introduction, les débuts de Solana ont été discrets jusqu’en juillet 2020, moment choisi par FTX et l’une de ses filiales pour y lancer leur échange décentralisé Serum (SRM).
Avec Solana, Bankman-Fried souhaitait avoir “sa” blockchain. Exactement comme Changpeng Zhao (Binance) avec la Binance Smart Chain. La liste des projets sur Solana et subventionnés par Sam Bankman-Fried est longue, incluant notamment les protocoles décentralisés Raydium (RAY), Oxygen (OXY) et Bonfida (FIDA).
La “valeur totale verrouillée” dans ses protocoles de DeFi est en baisse de près de 80%, passant de 1 milliard début novembre à 224,4 millions de dollars à l’heure où nous écrivons ces lignes. Il fallait s’y attendre, car de nombreux actifs déposés dans des protocoles DeFi tels que SOL, ETH et BTC sont volatils. Pour cette raison, une baisse de la TVL ne signifie pas nécessairement que les utilisateurs retirent leurs fonds de la finance sur Solana.
Cependant, la TVL exprimée en SOL nous confirme le scénario catastrophe. Si début novembre, ils se chiffraient à 27,2 millions de SOL, ils n’en sont plus qu’à 22,9 millions au moment de ces lignes. Entretemps, nous avons même enregistré un creux à 19,7 millions le 6 novembre. Cela montre clairement que la baisse de la TVL exprimée en USD n’est pas uniquement le résultat de la baisse des prix, mais plutôt du fait que les utilisateurs retirent bel et bien leurs actifs de Solana.
Les stablecoins sur Solana : Tether et d’autres quittent le navire
L’offre de stablecoins sur Solana s’est également considérablement contractée ces dernières semaines. La capitalisation boursière “stable” du réseau a diminué de près de 50% depuis début novembre, une véritable hécatombe que l’on doit à la décision de Tether rapatrier une bonne part de ses USDT de Solana vers le réseau Ethereum (ETH).
En effet, Tether a annoncé le 18 novembre un “échange de chaîne” : migrer 1 milliard de dollars d’USDT-Solana vers Ethereum.De quoi faire passer cette capitalisation de 4 milliards à 2,1 milliards de dollars, et provoquer un retrait de plus de 55,5 % des stablecoins totaux sur la blockchain.
Hack de Serum : clap de fin pour le vaisseau amiral ?
Des protocoles DeFi qui ont souffert du scandale FTX, Serum (SRM) est très certainement celui qui a le plus connu de turbulences. Et pas seulement parce que la Fondation Solana possède 134,54 millions de tokens SRM bloqués sur FTX – outre ses 3,24 millions d’actions de FTX Trading LTD et 3,43 millions de FTT …
Pour présenter brièvement Serum, il s’agit d’un échange décentralisé fonctionnant grâce à sur un carnet d’ordres automatisé (AMM). Son token de gouvernance, le SRM, est au coeur du scandale FTX car il a permis à l’entreprise de contracter des emprunts importants sur la base d’une valorisation gonflée du token.
En effet, le SRM se négocie toujours à un “capitalisation totale diluée” (FDV – fully diluted value) de 2,4 milliards de dollars malgré une baisse de cours supérieure à 70% au cours des dernières semaines.
Mais il faut aussi savoir que Serum a servi également de modèle pour l’ensemble de la DeFi sur Solana. Les protocoles tels que Raydium, Zeta Markets, PsyOptions et d’autres ayant été construits en copiant une large part du code du protocole. Cela n’aurait pas nécessairement été un problème si les contrats de Serum étaient réellement immuables, car le protocole pourrait fonctionner sans problème malgré l’effondrement de son jeton de gouvernance.
Cependant, on a appris récemment que les contrats de Serum sont en réalité contrôlés par des clés d’administration détenues par … FTX. Cela a mis Serum et par conséquent tout l’écosystème Solana en danger, car un siphonnement des fonds sur Serum pourrait entraîner une contagion catastrophique.
À ce jour, un tel scénario catastrophe semble s’éloigner car la communauté Solana a procédé à un “hard fork” de Serum, désormais baptisé OpenBook. Il reste à voir si OpenBook survivra, mais il pourrait présenter un recours de fortune pour les projets basés sur Serum en attendant de trouver un lieu sûr pour les liquidités sur son protocole parent. La TVL sur Serum est passée entretemps de 121,7 millions de dollars avant la crise à seulement 396 000 $ à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Solana en 2023 : des raisons d’espérer ?
Le navire Solana a connu avarie sur avarie, mais il n’a pas coulé. Du moins pas encore. Bien que le SOL s’approche des 3 $ atteints au momet du désormais célèbre tweet de SBF, la résilience de Solana en tant que blockchain est remarquable. Aucune panne technique, aucune interruption de la production de blocs, aucune chute des performances. Et pourtant la “Visa des cryptos” n’a pas été irréprochable techniquement ces derniers mois.
Pour autant, il reste plusieurs aspects à éclaircir. Il faudra tout d’abord ramener les liquidités qui ont été retirées des projets qui avaient des liens étroits avec FTX et Alameda, à l’image de Serum.
Il faudra également du temps à la blockchain pour se débarrasser de l’association avec FTX et Sam Bankman-Fried, véritable parrain du SOL. On ne sait toujours pas combien de SOL détenait réellement Alameda Research au moment de son dépôt de bilan le 11 novembre. Ce qui est sûr, c’est que ces SOL seront liquidés par la nouvelle direction de FTX pour rembourser les créanciers et les déposants floués.
Il reste enfin les inquiétudes entourant la compétitivité technique de Solana. Cela vaut la peine de se demander si les développeurs et les membres de la communauté, qui n’ont peut-être pas connu de baisse de plus de 95% auparavant, resteront dans les mois et les années à venir. Il y a quelques jours, les deux collections de NFT les plus importantes de Solana ont par exemple pris la décision de quitter le navire.
Une lueur d’espoir : le 22 novembre, le portail Messari faisait un sondage auprès des développeurs pour connaître le projet qu’ils privilégieraient au cours des semaines à venir. En tête, on retrouve … Solana.
Le navire Solana est loin d’avoir toutes les cartes en main pour retrouver la route du soleil. Quand Anatoly Yakovenko a eu l’idée de créer sa blockchain, il lui a donné le nom de Solana, du nom d’une bourgade du littoral californien où il résidait alors, Solana Beach. Espérons que malgré les vents contraires, la blockchain la plus rapide retrouve son allant de 2021, avec le vent en poupe.
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Romaric Saint Aubert
Crypto-journaliste
