Le gendarme des marchés financiers suisse a confirmé à Cryptonaute.fr sa position de vigilance et de surveillance du secteur du staking, qui ne peut bénéficier des mêmes avantages prévus par la loi DLT sur les crypto-actifs.
Depuis le 6 septembre et la publication d’un communiqué commun de deux des associations les plus importantes de l’industrie crypto en Suisse, l’écosystème est en ébullition. Pour rappel, la Suisse et sa “Crypto Valley” abritent parmi les plus grands projets blockchain dans le monde, dont Ethereum, Solana, Tezos, Cardano, Near. Sur les 1185 entreprises crypto de la Crypto Valley, qui s’étend du canton de Zoug jusqu’au Liechtenstein, en passant par Genève, le top 15% représente une capitalisation de 185 milliards de dollars.
Des exigences de fonds propres “prohibitives”
Dans cette lettre ouverte, la Crypto Valley Association (CVA) et la Swiss Blockchain Federation (SBF) ont alerté sur le fait que l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) demanderait à l’avenir qu’une autorisation de banque soit nécessaire pour offrir des services de staking. “Le staking n’est en aucun cas lié à des prestations de transformation et n’est donc pas comparable aux activités de prêt des banques”, indiquent les associations. “Le changement de pratique envisagé mettrait en outre en péril la sécurité juridique obtenue grâce à la législation sur la technologie des registres électroniques distribués (TRD) adoptée à l’unanimité par le Parlement. Cette loi a notamment renforcé la protection des clients en cas de faillite des dépositaires.”
Ce changement aurait pour conséquence une migration de cette activité vers l’étranger alors que le marché actuel des cryptoactifs délégués représente 350 milliards de dollars. Impensable pour la CVA et la SBF, qui prévient que “les établissements non bancaires ne seraient plus autorisés à proposer ce service. Les banques disposeraient certes de l’autorisation nécessaire, mais sont soumises à des exigences de fonds propres prohibitives dans le domaine des cryptoactivités. Elles ne seraient donc plus compétitives. Les clients suisses seraient également moins bien lotis, car la garantie des dépôts n’interviendrait pas en cas de staking.”
Interrogée par Cryptonaute.fr, la FINMA rappelle qu’elle suit l’application de la loi DLT en ce qui concerne l’activité de crypto-dépositaire (“custody”) depuis l’application du texte en 2021. “Les normes sont claires et précises dans cette loi et le message relatif au projet DLT. Elles ne laissent aucune marge d’appréciation dans la mise en œuvre.”
Les fonds stakés doivent être disponibles immédiatement
En l’occurrence, concernant le staking, le gendarme des marchés financiers suisse le distingue des activités crypto-dépositaires, qui font l’objet d’un certain nombre d’allègements (notamment en cas de faillite). Par exemple, les banques n’ont pas obligation de déposer l’équivalent des fonds avec des fonds propres en collatéral. Ces allègements sont possibles à une condition : que le dépositaire tienne les cryptoactifs à disposition à tout moment. Le pouvoir de décision doit être “ininterrompu”.
Or, pour le régulateur, le staking comporte des risques propres pour la valeur patrimoniale des fonds déposés par les clients, dont celui d’être bloqués sur une longue période (“lock-up”) ou d’être purement et simplement supprimés (“slashing”). C’est pour cette raison que la FINMA considère que les entreprises proposant certains modèles de staking ne peuvent pas bénéficier des mêmes avantages que les dépositaires plus classiques, et devront à l’avenir se mettre en conformité (autorisation de banque…). “Cela ne signifie pas que le staking est interdit en cas de lock-up periods et de slashing risks”, insiste le régulateur suisse. “Cependant, comme il s’agit d’une autre prestation, plus risquée, ces types de stacking ne bénéficient pas des allégements prévus pour le custody”.
Des risques pour la compétitivité suisse
Sauf que dans les faits, les entreprises de la Crypto Valley estiment que la position sera intenable pour la très grande majorité des acteurs du secteur, qui préfèreront migrer vers d’autres juridictions. “L’industrie de la blockchain demande à la FINMA d’organiser le processus de réglementation de manière transparente et d’impliquer activement les acteurs concernés. La pratique proposée n’est pas en accord avec la mission de la FINMA de renforcer la place financière suisse – au contraire, cette pratique limiterait massivement la capacité d’innovation ainsi que la compétitivité de la Suisse en comparaison internationale.”
En réponse, la FINMA réaffirme qu’elle “entretient des échanges réguliers avec des représentants de la branche, d’autres autorités et les régulateurs”. Rien qu’au sein du Fintech Desk, qui traite les questions relatives aux fintechs à la FINMA, huit personnes sont spécifiquement dédiées aux sujets de régulation.