Déjà menaçant pour le Bitcoin et les protocoles Proof of Work il y a quelques mois, MiCA revient à la charge. Cette fois-ci, sur le sujet des stablecoins. La règlementation européenne qui souhaite encadrer ce type de jetons pourrait tout simplement interdire les stablecoins émis dans une devise étrangère. Plusieurs associations alertent aujourd’hui sur les risques d’une telle adoption.
Le spectre de Terra encore présent
Depuis l’effondrement de l’écosystème Terra, le petit monde de la crypto reste sonné. Si cette chute a entrainé en cascade d’autres acteurs comme Three Arrows Capital ou Digital Voyager en plus de fragilisé certains exchanges, elle aura aussi joué son rôle sur la perception des différentes organes législatives. À moins que celles-ci utilisent cet élément comme un prétexte à une politique décidée depuis bien longtemps.
Quoi qu’il en soit cet épisode a précipité l’Union Européenne et son règlement MiCA (Markets in Crypto Assets) vers une règlementation plus dure des stablecoins. Si certaines mesures comme l’obligation pour les émetteurs de stablecoins de constituer une réserve avec un ratio de 1 pour 1 ont été plutôt bien accueillies, la limitation du secteur passe mal auprès des acteurs du marché.
USDT, USDC et BUSD bientôt interdits en Europe ?
Dans son état actuel, la règlementation MiCA souhaite imposer un plafond d’échanges journalier pour les stablecoins. Mais celui-ci apparait comme totalement déconnecté des réalités du marché. Si MiCA souhaite exiger une limite quotidienne à 200 millions d’euros échangés pour 1 million de transactions, le volume de Tether sur la seule journée d’hier est 250 fois plus élevé que cette limitation (50 milliards de dollars échangés sur les dernières 24 heures).
Les deux autres mastodontes du secteur que sont Binance USD et USDC affichent respectivement 5 et 7 milliards de dollars échangés sur les dernières 24 heures. Supposé entrer en vigueur en 2024, le texte MiCA sous sa forme actuelle scellerait alors la fin de l’utilisation de ces 3 principaux stablecoins en Europe.
Pour justifier ces choix, l’UE déploie l’arme secrète : la sauvegarde de sa souveraineté monétaire. Car la règlementation entend également frapper fort sur les stablecoins émis dans une autre devise qu’un état membre de l’Union Européenne :
Le développement de stablecoins basés sur une réserve d’actifs (ARTs) fondés sur une devise non européenne, utilisés en tant que moyen de paiement, sera limité pour préserver notre souveraineté monétaire. Afin de garantir une surveillance et un suivi appropriés des offres au public des ARTs, les émetteurs de ce type de jetons devront avoir un siège au sein de l’UE.
Pour beaucoup d’observateurs, une telle limitation pourrait tuer le marché des stablecoins en Europe. À eux trois, l’USDT, l’USDC et le BUSD représentent un marketcap total de près de 140 milliards de dollars. Soit près de 90 % du marché global des jetons stables.
Menace ou opportunité pour l’écosystème crypto européen ?
À cette question, deux lectures peuvent s’opposer. Pour certains, l’interdiction des stablecoins adossés à une devise étrangère pourrait marginaliser le secteur crypto en Europe. C’est l’avis défendu par différentes associations européennes, pro-blockchain. Les associations Blockchain for Europe et Digital Euro Association mettent déjà en garde le conseil de l’Union Européenne sur les conséquences de l’entrée en vigueur de cette partie du texte de loi MiCA.
Selon ces parties prenantes, une telle adoption se traduirait inéluctablement par une fuite des capitaux en dehors de l’Europe. Et à une fragilisation extrême d’un écosystème crypto déjà à la traine. Pour étayer leurs points de vue, ces deux associations ont d’ores et déjà adressé une lettre à l’attention du conseil de l’UE.
À l’inverse d’autres y voient une vraie opportunité de développer des stablecoins adossés à l’euro. Mais les tenants de cette seconde théorie sont largement minoritaires. Il y a quelques semaines, Circle, l’émetteur du stablecoin USDC lançait sur le marché un stablecoin adossé à l’euro : l’EUROC. Un échec pour le moment retentissant. Avec 75 millions de dollars de capitalisation, l’EUROC fait encore pâle figure face à l’USDC et ses plus de 50 milliards de dollars.