Les mises à niveau tant attendues, baptisées Shanghai et Capella, sont actives depuis minuit et demi, heure française. C’est un moment historique pour la blockchain Ethereum – un moment dont les plus sceptiques doutaient qu’il puisse jamais arriver. Hier, nous vous expliquions ce qui était à l’œuvre sur le réseau, aujourd’hui nous vous expliquons ce que le cap Shapella signifie pour l’avenir d’Ethereum (ETH).
Avec Shanghai et Capella, les retraits d’ETH sont enfin possibles
En septembre dernier, Ethereum vivait sa première révolution. “The Merge” remplaçait à chaud la couche de consensus originelle, en preuve de travail (PoW), par une couche de consensus en preuve de participation (PoS). Celle-ci fonctionnait en parallèle à la chaîne originelle depuis son lancement. Dès décembre 2022, le passage de la preuve de travail à la preuve d’enjeu faisait son effet : réduire l’émission d’ETH de 88% et la consommation d’énergie de 99,95% !
Depuis cette petite révolution, le réseau Ethereum n’est plus sécurisé par des mineurs, mais par des stakers. Les stakers ont déposé chacun un “enjeu” minimum de 32 ETH sur la chaîne Beacon pour avoir le droit de stocker les données du réseau, traiter les transactions et ajouter des blocs en échange de récompenses en ETH. Cependant, ils n’ont pas encore pu retirer leurs jetons. Ni les jetons déposés initialement en garantie, ni les récompenses accumulées au fil des jours. Mais le paradigme change aujourd’hui.
À l’heure actuelle, plus de 18,2 millions d’ETH ont été immobilisés sur le réseau (par environ 576 000 validateurs). Au cours auquel on peut acheter de l’eth, ces jetons ont une valeur de 35 milliards de dollars. Il faut y rajouter 1 million d’ETH supplémentaires, qui ont été accumulés en récompenses depuis. Ces deux grappes d’ETH ont des procédures de retrait légèrement différentes. On vous explique les rouages de ces retraits (110 000 ETH et plus à l’heure de ces lignes).
Comment fonctionnent les retraits ? Combien d’ETH pourra-t-on retirer du réseau ?
Pour les 18,2 millions d’ETH immobilisés par les validateurs, un processus de retrait complet est appliqué. En revanche, les récompenses accumulées peuvent bénéficier d’un processus accéléré, appelé retraits partiels. Sans entrer dans les détails les plus complexes, disons que les retraits complets passent par deux files d’attente, retrait et sortie, qui créent un délai entre le moment où un détenteur d’ETH exprime son souhait de retirer ses fonds et celui où ils deviennent réellement disponibles.
Des calculs spécifiques déterminent la durée de ce délai, mais environ 57 000 ETH pourront être retirés quotidiennement via des retraits complets dès aujourd’hui. Au cours des 54 jours qui vont suivre, nous pensons que jusqu’à 3,3 millions d’ETH pourraient être retirés du réseau. C’est un nombre théorique car comme nous le verrons, tout le monde n’a pas intérêt à retirer son pécule !
En ce qui concerne les retraits partiels (c’est-à-dire les récompenses de staking), ils peuvent contourner ce petit souci de file d’attente et devenir disponibles un peu plus vite. D’après nos analyses, il faudra environ 5 jours à compter d’aujourd’hui pour que ce million d’ETH puisse être retiré et devienne liquide.
Le grand déblocage débute sur les protocoles de Liquid staking (LSD) tels que Lido
Vous en avez sûrement entendu parler. Le secteur du Liquid staking a explosé en avril 2021, après la mise à jour baptisée Berlin. Les utilisateurs grand public ont découvert des protocoles tels que Lido, qui se sont chargés de staker des ETH pour leurs utilisateurs sur la Beacon Chain. En tout, les protocoles de LSD ont réussi à drainer plus de 14,5 milliards de dollars en valeur totale verrouillée (TVL). Cela représente 42% de tous les ETH actuellement immobilisés sur le réseau.
En échange, un protocole tel que Lido émet un dérivé de staking liquide (LSD), le stETH, un jeton ERC-20 qui représente une créance sur l’ETH staké et permet à son détenteurs de gagner des récompenses tout en étant en mesure de déployer son au sein de la DeFi. Lido et son très apprécié stETH ne sont pas les seuls sur ce juteux segment de marché. Le protocole a vite été rejoint par Coinbase, acteur historique de la blockchain, et surtout Rocket Pool.
Les jetons stETH (Lido) et cbETH (Coinbase) fonctionnent à la manière des stablecoins. Ils répliquent fidèlement la valeur de l’ETH en temps réel. Pour autant, rien n’est parfait, et les jetons LSD peuvent être intrinsèquement moins liquides que leur garantie ETH sous-jacente. Cette faille était visible lors des liquidations des positions de 3AC et Celsius. Ces deux acteurs détenaient de gros volumes de stETH et en mai 2022, le stETH avait brièvement perdu 6%. De quoi faire douter les détenteurs de LSD qui, sans retraits possibles, n’avaient pas de porte de sortie.
Le cours de l’ETH va-t-il plonger après les échanges stETH – ETH ?
Il y a une crainte logique : est-ce que les validateurs vont reconvertir leurs stETH en masse en ETH ? Est-ce qu’ils vont revendre leurs ETH en masse une fois reconvertis ? D’autant plus que la majorité des investisseurs auront réalisé un joli bénéfice. Bien que ces craintes soient justifiées, de nombreux analystes ne s’inquiètent pas pour le cours de l’ETH, et pour deux raisons au moins.
La première tient au phénomène de file d’attente qui va se former sur les retraits. Il faudra compter au moins 7 jours pour chaque demande de retrait. Ce délai est bien connu par les validateurs professionnels, sous le nom de “unstaking delay”, nous l’avons expliqué plus haut. Il ne faut pas oublier que l’unstaking se joue à deux niveaux : le premier consiste à déboucler son stETH du protocole Lido, le second consiste à déboucler le staking sur le réseau Ethereum lui-même. Une double dose d’attente !
La deuxième raison tient au au fait que tout le monde peut utiliser les stETH pour générer des revenus. Rappelez-vous : il est avantageux pour les validateurs de conserver des ETH bloqués pour obtenir un double bénéfice, à la fois à partir des ETH et des stETH. Le stETH de Lido et le cbETH de Coinbase sont très prisés car on peut investir ces jetons sur des protocoles tels que Curve et Balancer et générer du rendement. D’ailleurs la société Glassnode a remarqué que les dépôts sur Lido et RocketPool n’ont que peu ralenti à l’approche de Shanghai, contrairement à ceux sur Coinbase et Kraken, tourmentés par le régulateur américain sur leur activité de staking.
Sources : Beaconcha.in, Dune Analytics, Dune Analytics, Glassnode
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David Rajaonary
