Nous vous présentons un entretien avec Guillaume Moret-Bailly, cofondateur de Doors3, un cabinet de conseil spécialisé dans le Web3 et le Métaverse. Lancé en 2022, Doors3 a déjà marqué son empreinte avec plus de 40 clients majeurs. Aujourd’hui, Guillaume partage avec nous sa vision sur l’impact des NFTs dans l’économie numérique, les défis juridiques et éthiques associés, ainsi que les usages potentiels dans divers secteurs. Il abordera aussi la transition du Web2 au Web3 et les défis techniques de l’intégration des NFTs dans les applications grand public. Un aperçu fascinant de la révolution numérique en cours.
– Qui êtes-vous et qu’est-ce que Doors3 ?
Je m’appelle Guillaume Moret-Bailly, j’ai 28 ans et je suis cofondateur de Doors3 aux côtés de Karen Jouve et Julien Furlanetto. Doors3 est le premier cabinet de conseil spécialisé dans les technologies Web3 et le Métaverse et a vocation à accompagner les grandes entreprises sur l’ensemble du cycle de vie du projet, de l’acculturation des équipes en interne au déploiement de grands projets “Powered by Web3”. Lancé en 2022, Doors3 compte désormais plus de 40 clients majeurs et une équipe de 17 consultants. Doors3 est ainsi le fer de lance de nos activités que nous déclinons avec Doors Consulting Group pour accompagner de manière toujours plus efficace nos clients avec notamment le développement de Doors Lab, Doors Studio et Doors Sport dans le but d’offrir des compétences technologiques et créatives à forte valeur ajoutée.
– Comment les NFTs transforment-ils l’économie numérique actuelle, et quels bénéfices offrent-ils aux utilisateurs et créateurs de contenu ?
Les NFTs représentent le moyen technologique de posséder des actifs dans le monde numérique. Ces tokens non fongibles transforment l’économie numérique dans le sens où ils ont permis de donner naissance à un nouveau marché, un phénomène rare en économie et qui est d’ailleurs une explication du phénomène de volatilité fort qu’a connu le marché des NFTs en 2022, sur un nouveau marché les acteurs ne savent pas évaluer la valeur des actifs, ce qui donne lieu à un phénomène de tâtonnement où les prix peuvent varier dans une fourchette de prix très large allant de zéro à plusieurs millions de dollars.
Aujourd’hui, l’avantage des NFT pour leurs utilisateurs particuliers est ce qu’on appelle les utilités as de sociées, c’est à dire les avantages liés à la possession d’un actif numérique, des avantages qui peuvent aussi bien se répercuter dans le monde réel que dans le monde virtuel. D’un point de vue des marques, les NFT leur permettent de réinventer la relation avec leur clients en leur permettant de posséder un actif numérique qui vient renforcer le sentiment d’appartenance envers la marque, une logique qui s’inscrit pour nombre de nos clients dans le fait de réinventer les mécaniques de programme d’engagement. Par ailleurs, les NFT qui sont inscrits sur un réseau blockchain décentralisé permettent de créer une interopérabilité sur le marché des programmes d’engagement afin de développer des mécaniques de collaboration et de coopétition entre marques.
Enfin, l’avantage des NFT et de la technologie blockchain est la traçabilité et la sécurité qu’elle permet d’apporter. La technologie blockchain est aujourd’hui le moyen le plus fiable et sécurisé de tracer les transactions effectué sur un réseau et permet donc aux créateurs de contenus de tokenizer leurs royalties de manière automatisée grâce à l’implémentation d’un smart contract. Du côté des marques, ces notions de traçabilité et de sécurité sont intéressantes à la fois pour développer des cas d’usages liés au passeport produit que la réglementation européenne rendra obligatoire dès 2026 que pour le développement de cas d’usages CRM et d’engagement client.
– De quelle manière les NFTs renforcent-ils la propriété et le contrôle des données pour les utilisateurs, par rapport aux modèles centralisés du Web2 ?
Les NFTs et les cas d’usages blockchain au sens large nous amènent à penser à la notion de confiance. Dans la logique Web2, nous faisons confiance à un internet centralisé, au sein duquel nous interagissons par le biais de tiers de confiance représentés majoritairement par les GAFAM. Avec les technologies Web3, les NFT offrent donc une alternative afin d’être propriétaire d’actifs numériques sans tiers de confiance intermédiaire. Les NFT apportent donc de la désintermédiation dans le modèle relationnel entre une marque et ses clients. De la même manière que Bitcoin permet à ses utilisateurs d’être leur propre banque sans tiers de confiance centralisé.
– Selon vous, comment les NFTs vont-ils nous permettre de sortir du Web2 ?
Je ne pense pas que les NFTs vont nous sortir du Web2, chez Doors3, nous ne croyons pas à une opposition totale entre le Web3 et le Web2. Pour les grandes entreprises que nous accompagnons, il est essentiel qu’elles puissent être prêtes à mettre en œuvre des fonctionnalités Web3 mais cela ne veut pas dire qu’elles vont demain oublier leurs pratiques Web2. Si on veut pouvoir démocratiser l’accès à la propriété numérique et au contrôle des données par les utilisateurs, il faut savoir réussir la transition en douceur pour que demain, les technologies Web3 soient adoptées de manière massive par les grands groupes et donc démocratisées à l’ensemble de leurs clients.
Pour rendre ce phénomène possible, les NFT sont un enabler mais sûrement pas une fin en soi, le seul moyen d’évoluer vers le Web3 est de créer des cas d’usages à forte valeur ajoutée. C’est dans ce sens que l’accélération de la dynamique de programme d’engagement 3.0, de digital product passeport ou encore d’immersive commerce est passionnante à suivre. Nous arriverons à sortir du Web2 quand on ne parlera plus de Web3 mais que ces technologies seront devenues logiques à utiliser et intégrées dans des processus métiers qui auront fait leurs preuves sur le marché, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers.
– Quels sont les défis juridiques et éthiques associés à la propriété et à la commercialisation des NFTs ?
Les défis juridiques et éthiques sont nombreux dans le sens où les NFTs représentent un nouveau support pouvant donner lieu à des transactions sur la blockchain. D’un point de vue juridique d’abord la réglementation sur les NFT en particuliers dispose encore de zones d’ombres, là où la loi Pacte en France puis le règlement MICA en Europe apporte un cadre pour les crypto actifs, les NFTs eux ne sont pas concernés. Mais en France la réglementation se structure notamment avec l’arrivée de la loi Jonum pour encadrer l’utilisation de NFTs dans le cadre de jeux comme Sorare par exemple.
D’un point de vue éthique la encore les défis sont nombreux, ils résident notamment dans le fait d’utiliser ces actifs dans le but de créer de la valeur au-delà d’une logique de spéculation pure comme on a pu le voir en 2021 et 2022. Ensuite, même si le Web3 ne remplace pas le Web2, il faut développer les cas d’usages NFT pour les entreprises tout en apportant un respect plus fort des données personnelles. Pour cela, le développement des technologies de type Zero Knowledge Proof apparaissent comme très prometteuses pour permettre de partager de l’information liés aux NFTs sans pour autant avoir besoin de transférer les données personnelles associées.
– Quel est le potentiel des NFTs dans des domaines non conventionnels tels que l’éducation, la santé ou le gouvernement ?
Le potentiel d’utilisation des NFT et plus globalement des cas d’usages utilisant la valeur ajoutée des technologies Web3 est immense, tous secteurs et tous métiers confondus. C’est donc également le cas dans les domaines de l’éducation, de la santé et même dans le secteur public.
Pour citer quelques exemples, dans l’éducation le développement des certifications et des diplômes ancrés sur la blockchain sous forme de NFT est un bon exemple de création de confiance numérique par les NFT. Un domaine dans lequel on peut aussi tirer le fil de l’innovation grâce aux technologies d’immersive learning. Du point de vue de la santé, la traçabilité apportée par les NFT est énorme lorsque intégrer dans des processus supply chain notamment pour tracer et authentifier des médicaments ou même des certificats de vaccination. Dans un secteur où les contrefaçons sont nombreuses et dont les effets sont irrémédiables, apporter de la confiance numérique quant à l’authenticité d’un produit et d’un processus de fabrication s’avère primordial. Enfin du point de vu du gouvernement, si les cas d’usages de votes sur la blockchain n’ont pas réussi à se démocratiser les dernières années, on peut voir que les registres distribués et l’usage de NFT pour garder une traçabilité des cadastres immobiliers ont eu un succès dans les pays émergents notamment.
– Pouvez-vous donner des exemples de projets ou d’initiatives que Doors3 envisage pour promouvoir l’utilisation des NFTs ?
Doors3 n’a pas vocation à promouvoir l’utilisation des NFTs, contrairement à certains acteurs du marché notre raison d’être est d’aider nos client à tirer la valeur ajouté des technologies Web3 la ou elle fait sens pour eux dans leur processus et par rapports à leurs enjeux clés en terme d’acquisition de nouvelles audience, d’engagement client et collaborateur, de génération et de création de nouveaux revenus ainsi que dans l’amélioration de leur efficacité opérationnelle.
Une fois que l’on a dit cela nous avons de nombreux exemples de projets clients dans lesquels nous avons intégré des NFTs. Dans le secteur du luxe et du retail pour AMI Paris, dans le cadre de leur opération Mystery Box qui débouchera sur une logique de programme d’engagement 3.0. Dans le secteur de l’éducation avec Paris Dauphine pour certifier le suivi du Master finance décentralisée. Dans le secteur du sport avec le Rugby Club Toulonnais dans le cadre d’un cas d’usage de ticketing. Et pour d’autres clients confidentiels à ce stade pour qui les NFTs sont utilisés comme des jumeaux numériques d’actifs réels ou comme des certifications d’accomplissement dans le cadre d’un programme d’engagement interne en lien avec les jeux olympiques de Paris 2024.
– Quels sont les défis techniques majeurs associés à l’intégration des NFTs dans des applications grand public, et comment Doors3 envisage-t-il de les relever ?
Les défis techniques sont encore nombreux, c’est notamment pour cela que nous avons créé chez Doors3 le Doors Lab intégré au sein de Doors Consulting Group. L’objectif de Doors Labs est de construire des POC et des MVP afin de répondre à des problématiques de recherche et développement ou encore d’audit de cybersécurité pour assurer le plus haut niveau de sécurité dans nos projets. Une problématique technique sur laquelle nous travaillons en ce moment est notamment celle de l’interopérabilité des différents réseaux blockchain. Par ailleurs nous testons également beaucoup les fonctionnalités de wallet abstraction qui permettent d’enlever la barrière à l’entrée liée à la création d’un wallet pour un utilisateur.
Par ailleurs, d’un point de vue des grands groupes que nous accompagnons, un enjeu essentiel est la gestion de la sécurisation des crypto actifs. Plusieurs options sont possibles avec de nombreuses solutions sur le marché. Les équipes techniques du Doors Lab nous aident à conseiller au mieux nos clients pour faire le bon choix pour apporter le bon équilibre entre flexibilité et sécurité.
Source: Entretien
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