Selon Lionel Lim, PDG de DBS Digital Exchange, en dépit des conséquences de l’implosion de FTX sur la confiance des utilisateurs dans les services crypto centralisés, les CEX réglementés sont les plateformes les plus fiables et comptent conserver leur place de choix dans l’industrie.
L’implication des effondrements de Terra Luna et FTX
Ce mois-ci marque un an depuis les retombées de Terra-Luna et six mois depuis la chute de FTX. Des événements mémorables qui ont respectivement marqué le début et le point culminant d’autres effondrements en cascade. Ce qui a beaucoup affecté la confiance dans les crypto-monnaies avant de déclencher la crise existentielle la plus décourageante de l’industrie en 15 ans d’histoire. Alors qu’on assiste au redressement de la classe d’actifs numériques cette année, notamment une montée de près de 65 % du cours Bitcoin depuis le début de l’année, les grands acteurs de l’industrie soulèvent des interrogations sur la meilleure manière de reconstruire le secteur.
Premièrement, il y a lieu de reconnaître que ces événements ne constituent pas forcément des échecs pour la technologie blockchain. En effet, il s’agit plutôt des conséquences d’une gestion des risques douteuse, d’une mauvaise gouvernance d’entreprise ainsi que la présence de fraudes pour la plupart des entreprises en faillite. L’industrie ne cesse de témoigner de l’intégrité et du potentiel d’innovation des blockchains. Par exemple, les entrées importantes de capitaux dans les exchanges décentralisés après l’effondrement de FTX, les réactions positives à la transition de proof-of-stake (PoS) d’Ethereum et la mise à niveau de Shapella.
Pourtant, malgré ces développements, les plateformes cryptos centralisées (CEX) comptent rester légitimes et exercer une certaine influence en tant que l’un des principaux points d’entrées dans la classe d’actifs, d’autant plus qu’ils gagnent en valorisation et en adoption institutionnelle. Après tout, les CEX demeurent les plateformes dominantes en matière de transactions d’actifs numériques. Selon les données de Defilama, le volume total des transactions sur les CEX représente près de 90 % de toutes les transactions sur les exchanges centralisés et décentralisés durant la période de mi-mai 2023.
Malgré la diminution de la confiance des investisseurs en 2022, l’attractivité des CEX est indéniable. Pour assurer leur survie dans cette crise de confiance, les plateformes crypto centralisées devront apporter des réponses au besoin d’une meilleure protection des investisseurs, de contrôles des risques et de structures de gouvernance prudentes.
Les CEX comptent perdurer dans le paysage
La gestion d’un portefeuille d’actifs numériques est complexe sur le plan opérationnel, les investisseurs ayant besoin d’un ensemble complet de capacités telles que la garde, le trading, les produits d’investissement, le conseil et des moyens d’accès en monnaie fiduciaire efficaces. À cet égard, de nombreux CEX intègrent ces solutions dans une plateforme unique, réduisant considérablement la complexité technique de la possession et de la gestion de tokens natifs de différentes blockchains.
Cette plus-value est claire lorsque l’on considère l’alternative consistant en la gestion de plusieurs portefeuilles et la participation directe à plusieurs pools de liquidités sur différentes blockchains. Alors que certains investisseurs auront la capacité de le faire, la courbe d’apprentissage abrupte suggère que les CEX resteront la plateforme préférée pour beaucoup.
Les investisseurs qui s’occupent activement de leurs wallets peuvent également souhaiter un rééquilibrage fréquent de leurs allocations d’actifs entre actifs traditionnels et actifs numériques. Les rampes d’accès fiat des CEX forment ainsi une couche d’infrastructure essentielle pour le faire rapidement, ce qui est particulièrement important pendant les périodes de volatilité du marché.
La fiabilité et la sécurité sont d’autres avantages que les CEX peuvent offrir. Cela peut surprendre compte tenu de l’expression « not your keys, not your coins » de l’industrie. Pourtant, selon Chainalysis, 18 % de toutes les crypto-monnaies dérobées par des pirates en 2022 provenaient de CEX, les applications décentralisées représentant les 82 % restants. Bien que les CEX aient encore du chemin à parcourir pour mieux protéger les clients contre les cyber-attaques, ils demeurent plus sûrs en comparaison avec d’autres plateformes.
Alors que l’industrie travaille dur pour restaurer la confiance et améliorer ses systèmes de cybersécurité, l’écart de sécurité entre les CEX et les applications décentralisées devrait continuer à se creuser. Enfin, un avantage souvent sous-estimé de certains CEX, en particulier ceux qui desservent des clients fortunés et institutionnels, réside dans la tranquillité d’esprit qu’« il y a quelqu’un à appeler » en cas de problème.
C’est notamment le cas des investisseurs qui gèrent des actifs pour le compte de clients, tels que les family offices et les hedge funds. Avec des histoires d’horreur d’individus privés de leurs propres wallets valant des millions de Bitcoin, les investisseurs trouveront utile de travailler avec des CEX qui fournissent des lignes directes dédiées ou des gestionnaires de compte.
Rétablir la confiance grâce à la séparation des actifs
Tandis que les CEX sont susceptibles de se stabiliser dans l’espace crypto, ces plateformes doivent tout de même s’améliorer dans la séparation des actifs des clients et celles de l’entreprise. Maintenant, plus que jamais, l’examen minutieux autour de cette condition s’intensifie. En grande partie en réponse au mélange de fonds effectué par FTX, une pratique qui a conduit de nombreux investisseurs à subir des pertes importantes lorsque l’exchange américain s’est effondré. Des décideurs politiques comme la secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, ont reconnu la ségrégation des actifs comme un domaine clé à aborder dans les futurs cadres réglementaires.
Même avant l’effondrement de FTX, l’Autorité monétaire de Singapour (MAS) a proposé de nouvelles réglementations dans un document de consultation publié en octobre 2022, exigeant que les plateformes crypto dissocient leurs actifs de ceux de leurs clients. Le MAS a également sollicité les commentaires de l’industrie sur la question de savoir si les plateformes de crypto-monnaies devraient nommer des dépositaires indépendants pour protéger les fonds des clients.
Bien que les CEX aient encore du chemin à parcourir pour mieux protéger les clients contre les cyber-attaques, ils sont comparativement plus sûrs.
De ce fait, les CEX devraient repenser le récit du « guichet unique ». Bien qu’il soit logique d’avoir une interface utilisateur transparente entre la conservation et le trading, en arrière-plan, les actifs des investisseurs doivent être conservés séparément par un dépositaire externe et qualifié, à l’image d’une banque ou d’un courtier reconnu. Les CEX doivent rechercher et publier des attestations indépendantes d’auditeurs pour vérifier que les actifs sont bien séparés et que des exigences solides en matière de risque et de gouvernance sont en place.
Source : CoinDesk
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Charles Ledoux
