Le Bitcoin est souvent critiqué pour son impact environnemental. En fait, c’est surtout l’activité de minage de Bitcoin qui est pointée du doigt. Pour rappel, le minage permet de créer de nouveaux bitcoins qui circuleront ensuite sur le réseau. Si l’activité de minage est énergivore, son impact environnemental est, lui, difficile à quantifier et à qualifier. D’ailleurs, un rapport de l’IRM vient de sortir. A contre courant de nombreuses opinions, il explique comment le Bitcoin peut en fait favoriser la transition énergétique.
Pour l’IRM, le Bitcoin peut être une « opportunité » pour la transition énergétique
Découvrez ci-dessous dans les grandes lignes le rapport publié par l’IRM et comment le Bitcoin peut favoriser la transition énergétique.
Le rapport de l’IRM
L’IRM est un acronyme qui désigne Institute of Risk Management. L’IRM se décrit comme le principal organisme professionnel en matière de gestion des risques d’entreprise. L’IRM aide les entreprises à bâtir l’excellence en matière de gestion des risques.
L’institut propose des qualifications et des formations reconnues à l’échelle mondiale, publie des recherches et établit des normes professionnelles qui définissent les connaissances, les compétences et les comportements dont les « professionnels du risque d’aujourd’hui ont besoin pour répondre aux exigences d’un environnement commercial de plus en plus complexe et exigeant ». Les membres de l’IRM occupent de nombreux rôles, dans tous les secteurs public, privé et à but non lucratif du monde entier.
Dylan Campbell est Alexander Larsen sont deux membres du groupe Energy and Renewables (Energie et renouvelables) de l’IRM. Ils ont publié le rapport intitulé « Bitcoin and the energy transition: From risk to opportunity ». Dans le rapport, ils expliquent comme le Bitcoin peut passer d’un « risque » à une « opportunité » vis-à-vis de la transition énergétique.
L’objectif du rapport de l’IRM
Comme spécifié en introduction, l’objectif du rapport n’est pas de “plaider en faveur ou contre le Bitcoin en tant qu’actif financier”. De même, le rapport ne prétend pas que le Bitcoin n’est pas une crypto énergivore. Plutôt, le rapport explique comment le Bitcoin avec sa consommation énergétique pourrait favoriser la transition énergétique.
« Cependant, comme nous le décrirons en détail dans les sections suivantes, le minage de Bitcoin peut non seulement être un consommateur d’électricité produite par des sources d’énergie verte, mais peut également faciliter l’adoption et la l’usage plus larges de ces sources. Dans cette publication, nous explorerons les avantages potentiels de l’intégration du minage de Bitcoin avec des sources d’énergie durables, et comment cette intégration peut aider à soutenir le secteur énergétique de manière durable et respectueuse de l’environnement. » Rapport de l’IRM
Le Bitcoin et la transition énergétique
Le rapport de l’IRM fait près de 46 pages et présente au total 7 “opportunités” en rapport avec le Bitcoin et la transition énergétique. Aussi, il est compliqué de résumer un tel rapport en seulement quelques lignes. Vous trouverez ci-dessous quelques idées fortes issues du rapport.
Une meilleure gestion du réseau électrique
Une première idée forte du rapport concerne l’intégration des activités de minage Bitcoin au réseau électrique. Pour expliquer cela, il faut revenir à certains principes fondamentaux liés au réseau électrique.
Comme vous le savez, le réseau délivre une électricité à une fréquence précise. En Europe, cette fréquence est de 50 Hz (60 Hz aux États-Unis par exemple). Vous ne vous en rendez pas compte, mais la “stabilité” de cette fréquence résulte en fait d’un équilibre entre l’électricité produite et l’électricité consommée (voir image ci-dessous). Un déséquilibre dans ce rapport de “force” conduirait à une fréquence légèrement différente de 50 Hz, ce qui aurait des conséquences néfastes pour vos équipements électriques.
L
e maintien de cet équilibre est réalisé dans les centres de production d’électricité à charbon, à gaz et nucléaire. Cela est donc transparent pour l’utilisateur. Mais, pour certaines raisons techniques, avec l’avènement des énergies renouvelables (solaire et éolien notamment), cet équilibre est plus difficile à maintenir. Face à cela, certains opérateurs utilisent des systèmes de batteries pour maintenir la fréquence autour des 50 Hz. Mais les batteries sont polluantes et posent donc des problèmes environnementaux. Au lieu de batteries, le rapport explique que le minage de Bitcoin pourrait jouer ce rôle.
Certains opérateurs de réseau comme ERCOT au Texas utilisent le minage de Bitcoin pour rééquilibrer le réseau. Concrètement, lorsqu’il faut “consommer” davantage, l’opérateur met en place des incitations financières à destination des mineurs. A l’inverse, dans des périodes où le réseau est sous-tension comme en hiver, l’opérateur demande aux mineurs d’arrêter leurs activités. Cela contribuerait également à éviter une hausse des prix trop importante. Le minage pourrait donc contribuer à équilibrer le réseau en termes de fréquence.
« Des recherches sur l’intégration des mineurs de Bitcoin dans les programmes de gestion de réseau ont montré qu’il s’agissait d’une stratégie gagnant-gagnant tant pour les mineurs que pour les opérateurs de réseau. Les mineurs pourraient créer une source de revenus substantielle en offrant de la flexibilité, ce qui réduirait les prix de l’électricité dans l’ensemble du système. Cela nécessiterait cependant une gestion prudente et la planification requise va au-delà des gestionnaires de réseau et du secteur de l’énergie. » Rapport IRM
Un catalyseur pour l’adoption de l’énergie solaire et éolienne
Le rapport explique comment une localisation “stratégique” des centres de minage de Bitcoin pourrait résoudre deux problèmes actuels de l’énergie solaire et éolienne.
Le premier problème est appelé en anglais “economic curtailement”. Pour faire simple, cela signifie que les stations éoliennes ou solaires doivent parfois réduire leur production ou gaspiller ce qu’elles produisent. C’est le cas lorsqu’elles produisent plus (en cas de forts vents et ensoleillement) que ce qui est nécessaire ou lorsque les réseaux ne sont pas en mesure de transporter toute l’énergie produite.
Un deuxième problème de ces énergies concerne leur prix. En cas de forts vents et d’ensoleillement, ces stations produisent beaucoup. Mais si la demande est faible, le prix de cette énergie est alors très faible voire négatif, ce qui affecte la rentabilité de ces installations (ci-dessous une carte qui montre les régions où l’énergie éolienne et solaire a été vendue à un prix négatif depuis 2015).
Dans ce contexte, le rapport explique que les centres de minage de bitcoins pourraient résoudre ces deux problèmes à les positionnant à proximité de stations éoliennes ou solaires.
« En plaçant stratégiquement les centres de minage de Bitcoin à proximité des centrales solaires et éoliennes, les mineurs de Bitcoin peuvent récupérer l’énergie autrement gaspillée à bas prix en utilisant la caractéristique d’interruptibilité du minage de Bitcoin. Ceci est bénéfique pour les exploitants de stations de production, car ils vendent de l’énergie qui serait autrement gaspillée, cela va donc augmenter leurs revenus et éviter ou minimiser la fréquence des prix négatifs. Ceci est aussitrès attrayant pour les mineurs de Bitcoin qui ont désormais accès à une énergie propre et bon marché pour alimenter leurs activités de minage. » Rapport IRM
Une aide pour le développement de l’énergie nucléaire
Découvrez ci-dessous quelles sont les opportunités offertes par le minage de Bitcoin en rapport avec l’énergie nucléaire.
Comment le minage de Bitcoin peut aider le nucléaire ?
En désamour suite à la catastrophe de Fukushima, l’industrie nucléaire reprend du poil de la bête. Même si le nucléaire n’est pas une “énergie renouvelable”, elle ne génère pas d’émissions de carbone. Aussi, le nucléaire est intégré dans les mix énergétiques de nombreux pays pour atteindre une neutralité carbone ou du moins réduire leurs émissions. Le minage de Bitcoin pourrait favoriser l’adoption (ou plutôt le renouveau) du nucléaire. Comment ?
Comme avec les renouvelables, le minage de Bitcoin pourrait être la variable d’ajustement en fonction de la demande sur le réseau. Lorsque la demande est faible, les mineurs pourraient utiliser cette énergie afin d’éviter un prix trop faible (voire négatif) de l’énergie et vice-versa. Le rapport cite plusieurs exemples en la matière, comme le centre de minage BTC Nautilus (firme TeraWulf) aux États-Unis qui utilise l’énergie nucléaire grâce à son partenariat avec Talen Energy.
« Le minage de Bitcoin peut contribuer à améliorer la viabilité financière des projets de centrales nucléaires et à améliorer leur croissance en renforçant les arguments économiques en faveur de ces générateurs d’électricité fiables et à forte densité énergétique. » Rapport IRM
Le minage de Bitcoin et les SMR
Le rapport évoque ensuite comment le minage de Bitcoin peut être utile au nucléaire 2.0. Qu’entend-on par là ? A l’heure actuelle, le nucléaire est une énergie produite dans de (très) grandes centrales. Mais l’avenir est plutôt au développement de “petits” réacteurs appelés Small Modular Reactors ou SMR. Ces petits réacteurs seraient plus simples et moins chers à concevoir, et ils génèreraient moins de déchets. De plus, ils seraient plus flexibles au niveau de leur utilisation. En France, EDF travaille d’ailleurs depuis de nombreuses années sur les SMR.
Le rapport explique que la combinaison du minage de BTC avec un SMR est gagnante sur plusieurs niveaux. Cela permettrait notamment d’assurer un prix plancher de l’électricité. De plus, les SMR étant faciles à transporter, ils pourraient permettre aux mineurs d’utiliser cette énergie lorsque les renouvelables ne seraient pas en capacité de fournir de l’électricité.
« Ces deux concepts [SMR et minage BTC] peuvent être intégrés, améliorant encore davantage la viabilité économique des SMR et rendant le modèle plus attractif pour les investisseurs et les clients potentiels, tout en permettant la production d’énergie à partir d’une ressource verte pour les zones reculées où les conditions météorologiques pourraient ne pas être favorables à l’énergie solaire et éolienne et où la géothermie et l’hydroélectricité ne peuvent pas être utilisées. » Rapport IRM
Source : Rapport de l’IRM
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Charles Ledoux
