“The Merge” – le passage de la preuve de travail à la preuve d’enjeu – représente un changement de paradigme majeur pour Ethereum. Changer un élément aussi important que l’algorithme de consensus, en cours de route, sur un réseau qui sécurise autant de liquidités : cela représente un numéro d’équilibriste inédit.
En supposant son succès, tout l’écosystème de dApps et de smart contrats restera actif sur la blockchain – et sera rétro-compatible suite à la mise à jour. Cette prouesse sera ni plus ni moins qu’un tournant dans l’histoire de la blockchain et de la DeFi.
Ethereum (ETH) va devenir la plus grande cryptomonnaie à preuve d’enjeu (PoS)
Jusqu’à présent Ethereum utilisait comme Bitcoin la preuve de travail (PoW, pour « proof of work »).
Pour valider les transactions sur son réseau, Ethereum faisait intervenir du matériel informatique spécialisé, pour « miner » en continu les ETH. Ces ASICS déployaient leur puissance de calcul pour résoudre des défis cryptographiques, chaque défi résolu permettant de valider un bloc et récupérer une récompense en ETH.
En supposant le succès de « The Merge », Ethereum rejoindrait la liste des blockchains fonctionnant avec la preuve d’enjeu (PoS, pour « proof of stake »). Fini les ASICS et la compétition entre validateurs, puisque chacun d’entre eux aura une chance de valider des transactions.
Il faudra cepedant déposer un minimum de 32 ETH et accepter de les bloquer pour participer à la sécurisation du réseau.
Avec ce changement, Ethereum deviendra la plus importante cryptomonnaie à preuve d’enjeu. Jusqu’ici, la plus importante d’entre elles était Cardano (ADA), qui capitalise à un peu moins de 15 milliards de dollars. Ethereum (ETH) pèse, elle, plus de 180 milliards au cours actuel.
Un changement dans les récompenses et leur perception
C’est le premier changement majeur : les ETH émis pour payer les “mineurs” seront désormais utilisés pour payer les validateurs, ceux qui comme nous l’indiquions bloquent leurs jetons ETH pour sécuriser le réseau.
A l’heure actuelle, 2 ETH sont émis à la création de chaque bloc. Sachant qu’un bloc est validé toutes les 13 secondes, 5 millions d’ETH de récompenses reviennent annuellement aux mineurs.
En y a ajoutant les récompenses versées aux utilisateurs qui font du staking (environ 500 000 ETH), cela porte l’émission totale à 5,5 millions d’ETH par an.
Après le passage à la PoS, fini les 2 ETH émis à chaque bloc. Seuls les ETH créés pour récompenser le validateurs existeront. Or, il ne vous aura pas échappé qu’en août 2021 le réseau Ethereum avait évolué avec – entre autres mises à jour – l’EIP-1559.
Celle-ci a pour but de de retirer de la circulation (« burn ») l’essentiel des ethers émis en tant que frais de transaction. En clair, cela revient à retirer environ 2,9 millions d’ETH par an.
Grâce à cette mise à jour, Ethereum est devenue une cryptomonnaie déflationniste.
La conséquence immédiate est la suivante : si depuis août 2021 l’émission se faisait à un rythme annuel de +4%, elle va désormais passer à -1,4% avec The Merge.
Pour ceux qui s’intéressent à l’aspect monétaire d’Ethereum, cela donnera à l’ETH un taux de base monétaire effectif d’environ 4% par an. Contrairement à ce que certains observateurs le disent, il ne s’agit pas d’un vrai rendement. En effet, celui-ci sera payé à partir d’un émission d’ETH, et non d’une source extérieure (comme pour un coupon obligataire). En clair, ceux qui n’investissent pas leurs ETH dans le réseau, en étant dilués, seront ceux qui paient effectivement ceux qui le font.
Cela illustre le changement de vision auquel tous les participants à Ethereum devront faire face. Tout le monde n’est pas tenu de soutenir le réseau par le staking, mais ne pas le faire entraînera un transfert de valeur vers ceux qui s’engagent dans cette activité.
Un changement dans la narrative autour de la consommation d’énergie de la DeFi
Le deuxième changement majeur concerne l’empreinte carbone d’Ethereum.
En passant à la preuve d’enjeu, Ethereum va réduire sa consommation d’énergie de 100 TW par an : à peu de choses près, c’est la consommation annuelle d’un pays comme la Finlande ou les Pays-Bas.
A cause de son impact environnemental, Ethereum n’était pas jusqu’ici le choix privilégié des institutionnels pour lancer leurs projets.
Malgré son statut de blockchain n°1 pour les dApps, les institutionnels lui préféraient d’autres réseaux pour respecter les critères ESG dans leurs placements en cryptos.
Maintenant que le réseau Ethereum va devenir jusqu’à 2000 fois plus efficace, il sera donc possible de lancer toute une narrative éco-responsable similaire à celle qui entoure le réseau Solana.
Un changement dans les frais des dApps
Un autre changement concerne les frais payés par les utilisateurs pour utiliser les applications décentralisées d’Ethereum. Il y a une fausse idée récurrente autour de The Merge, selon laquelle les frais du réseau (les “gas fees”) vont diminuer.
Ce qui est vrai en revanche, c’est ceci : la mise à jour va permettre la possibilité de générer des nombres aléatoires sur la blockchain.
Sans entrer dans les détails, l’introduction de nombres aléatoires fera une différence pour les développeurs et les utilisateurs de dApps.
Bien que cela ne rende pas ChainLink obsolète du jour au lendemain, cela offrira aux développeurs des options dans la réalisation du sharding.
Parmi les scénarios à prévoir :
- Les exchanges décentralisés de type AMM tels qu’UniSwap devront ajuster leurs algorithmes pour s’adapter aux nouvelles conditions du marché.
- Les stablecoins tels que le DAI de MakerDAO devront modifier les exigences de garantie pour l’émission de jetons.
Un rôle renforcé pour les layer 2 Optimism, Arbitrum et Polygon
Le dernier changement majeur apporté par The Merge est le rôle renforcé des surcouches d’Ethereum dans la problématique des frais de gaz.
Il faut comprendre que la mise à jour n’a pas pour but de résoudre le problème des frais. Il n’y a aucune raison de s’attendre à des changements dans les coûts du réseau, sauf si les volumes de transactions augmentent ou se contractent après la fusion.
Par conséquent, les Layer 2 restent la solution à ce problème.
Pour autant, si la mise à jour ne résout pas les problèmes de congestion et de frais, elle marque toutefois une étape inévitable avant d’y venir.
Les développeurs y font référence sous le nom de « sharding », qui fait partie de la roadmap du projet. Tôt ou tard, les développeurs d’Ethereum seront amenés à s’y attaquer.
L’écosystème crypto a été gravement mis à mal depuis le début de l’année et a grandement besoin d’une victoire. Si The Merge n’est pas le catalyseur d’un nouveau marché haussier généralisé, il donnera au moins à la finance décentralisée de nouveaux moyens de gagner du terrain et de résister à la vague d’attaques qui la visent.