À l’heure de la régulation européenne et de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCBFT), l’expert Olivier Laurette décrit comment l’écosystème crypto s’est professionnalisé.
Une ampleur des activités illicites “difficile à mesurer”
Dans son rapport intitulé “Les cryptoactifs : une régulation à renforcer”, publié en décembre 2023 et qui a fait beaucoup parler, la Cour des comptes considère les cryptos comme une “nouvelle frontière technologique” dans la LCBFT. L’institution reconnaît que l’ampleur des activités illicites, qu’elles soient ou non liées aux cryptoactifs, est “par nature difficile à mesurer”.
En 2022, Tracfin indiquait que les estimations de la part des cryptoactifs liée à des activités douteuses, voire criminelles, allait “de 0,62 % à 9,9 % pour l’année 2021”. Malgré cette difficulté à définir l’étendue exacte du phénomène, les régulateurs ont mis en place depuis des années des mesures dans le but de limiter l’activité liée au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme (LCBFT) qui utilise la crypto.
🪙 Fin 2023, la valorisation du marché des #cryptoactifs représentait 1 100 Md$ et 14 millions d’utilisateurs au sein de la zone euro.
Le développement de ces crypto-actifs constitue un défi pour les États en termes de stabilité.
Lire le rapport 👇https://t.co/g71ovIMHMa
— Cour des comptes (@Courdescomptes) December 19, 2023
Des centaines de pages de procédures pour un dossier PSAN
Conséquence des actions des régulateurs, la mise en conformité (appelée “compliance” en anglais) est devenue un enjeu stratégique pour tous les acteurs de l’écosystème, qu’ils soient des plateformes d’échange crypto, des protocoles de DeFi ou des marketplaces NFT, évoluant sur le sol français ou européen. Cette spécialité métier, issue du monde de la finance traditionnelle, se traduit par des procédures, des recommandations et des outils conçus par des experts comme Olivier Laurette.
Depuis plus de trois ans, ce conseiller accompagne et forme les startups et les projets web3 dans leur volonté de se protéger contre les risques liés à l’origine des fonds de leurs clients, et prodigue son expertise aux cabinets d’avocats. “Il y a trois ans, les exigences du régulateur étaient encore naissantes. Mais les choses se sont renforcées en cours de route, notamment avec la mise en place du PSAN.”
Ce régime de prestataire sur actifs numériques, délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui compte à ce jour une centaine de sociétés enregistrées et une seule agréée (FORGE Société Générale), a poussé les acteurs à renforcer leurs points de vigilance. “Il y a eu une montée en gamme indéniable”, souligne Olivier Laurette.
Un vivier de talents limité et des coûts élevés
Désormais, les entrepreneurs ne recrutent pas uniquement d’excellents développeurs ou des cracks en marketing, mais ils recherchent aussi des talents en compliance. Problème : le vivier est encore limité et la ressource coûte cher (environ 150 000 € par an pour un responsable de la conformité), si bien qu’on assiste à une chasse aux meilleurs talents. Quand ils ne peuvent pas être embauchés en interne, les startups externalisent la compétence.
Il y a de quoi faire : avec l’adoption qui grandit, les PSAN ou les aspirants PSAN, qui passeront bientôt CASP (crypto-asset service provider) avec l’entrée en vigueur du règlement européen MiCA d’ici à la fin de l’année 2024, doivent déterminer le “profil de risque” que représente chaque utilisateur.
Risque sur l’origine des fonds, risque sur le pays de résidence de l’investisseur, risque de conformité avec les obligations légales et fiscales… Les rapports produits par Olivier Laurette pour ses clients font plusieurs dizaines, voire centaines de pages, “mais c’est un document vivant, régulièrement mis à jour”.
“L’enjeu, poursuit le consultant indépendant, c’est de réussir à mettre en place une culture de la conformité à tous les étages, de façon à ce que ce sujet ne soit pas vu comme une façon d’empêcher de faire du business, mais au contraire comme une source d’opportunités pour l’entreprise et de pérennité.”
Et si certains témoignages font état d’un coût global de plusieurs centaines de milliers d’euros par an pour un PSAN, l’enjeu en vaut peut-être la chandelle, sur un marché français où l’adoption des cryptomonnaies stagne encore autour des 10% chez les particuliers. Mais avec des perspectives de croissance qui montrent de vrais signes de reprise depuis le dernier trimestre de l’année 2023 et les premières semaines de l’année 2024.
Sources : Entretien, Cour des comptes.
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