FTX est autorisée à apurer ses dettes auprès d’une poignée de “fournisseurs essentiels”, à hauteur de 8,5 millions de dollars. Une goutte d’eau dans l’océan de dettes accumulées par la désormais ex-crypto-bourse, qui doit 3,1 milliards de dollars à ses 50 premiers créanciers. Et potentiellement plus aux autres.
FTX peut commencer à payer ses dettes fournisseurs, mais uniquement celles liées à des services essentiels
8,5 millions, c’est un peu moins que les 9,3 millions de dollars demandés samedi dernier auprès du juge John Dorsey. Dans un document déposé le samedi 19 novembre, les liquidateurs de FTX souhaitaient une ligne de 9,3 millions pour payer des “fournisseurs essentiels”. Un montant susceptible d’être porté à 17,5 millions en cas de nouvelles réclamations fondées de la part de ses créanciers.
Le tribunal de Wilmington (Delaware) autorise également les liquidateurs à payer jusqu’à 1 million de dollars à des fournisseurs étrangers, sans mentionner lesquels.
A la date du 16 novembre, John Ray et son équipe de liquidateurs avaient été en mesure de vérifier 144 comptes bancaires avec un solde positif, sur 216 comptes identifiés comme appartenant à la plateforme en faillite. En tout, la plateforme détiendrait encore 1,2 milliard de dollars de liquidités pour maintenir son fonctionnement sous le régime du chapitre 11.
Par “fournisseur essentiel”, il faut cependant comprendre qu’il s’agit uniquement des sociétés fournissant à FTX des services essentiels à son fonctionnement. Il ne s’agit en aucun cas des investisseurs ni de prêteurs de long terme. On peut d’ailleurs lire dans le document déposé par FTX :
« Sans l’autorisation de payer les fournisseurs critiques, les clients et débiteurs soutiennent qu’ils pourraient être confrontés à des conséquences potentiellement irréparables en matière de sécurité, à une perte potentielle de données ou à d’autres perturbations et, au final, à une perte de valeur pour leurs biens. »
Une liste de créanciers à dresser, mais sans divulguer de noms
Outre l’ordonnance temporaire de paiement, le tribunal de Wilmington a également autorisé FTX à dresser une liste consolidée de ses créanciers. La raison ? Essentiellement le besoin de confidentialité, certains d’entre eux souhaitant rester anonymes, et ne voulant pas laisser paraître dans la presse certaines conditions contractuelles potentiellement gênantes accordées à FTX …
On peut supposer que pour les mêmes raisons, le régulateur financier des Bahamas a également accepté de céder la main sur toutes les procédures de faillite au tribunal américain.
Dans le document publié sur le portail de l’Etat du Delaware, on apprend également que les liquidateurs sont autorisés à supprimer des informations confidentielles sur les clients – outre les investisseurs et fournisseurs – de leurs communications publiques avec le tribunal des faillites. Une demande jugée acceptable car FTX.US, contrairement à son concurrent Coinbase par exemple, n’est pas une entreprise publique et n’est pas tenue de divulguer le détail de ses créanciers.
Plusieurs médias américains estiment les dettes de FTX à plus de 10 milliards de dollars (le conditionnel reste de rigueur). La société doit officiellement 3,1 milliards à ses 50 premiers créanciers. La plus importante créance s’élève à 226 millions de dollars, tandis que la deuxième fait état de 203 millions.
Signalons qu’il s’agit ici de 50 créances non garanties. Selon la loi américaine, les créanciers “non garantis” ou “chirographaires” sont des créanciers ordinaires, qui passent après l’Administration fiscale et les clients particuliers dans la priorité des remboursements.
Le PDG de FTX laisse entendre que les actifs de l’entreprise pourraient être vendus
Dans un communiqué de presse, le nouveau PDG John Ray a déclaré que la restructuration et les travaux préliminaires pour la cession des actifs de la société étaient sur les bons rails :
“Avec l’approbation par la Cour de nos requêtes du premier jour, nous avançons aussi rapidement que possible dans nos efforts pour maximiser la valeur pour toutes les parties prenantes de FTX.”
Il s’est montré rassurant en évoquant des intentions de rachat de ces actifs à des prix peu éloignés, voire conformes, à leur valeur de marché. Fait-il référence à une offre de Justin Sun (fondateur de l’écosystème Tron), ou à une offre de Ripple Labs ? Brad Garlinghouse, PDG de Ripple Labs, avait en effet laissé entendre au quotidien britannique Sunday Times qu’il envisageait de faire une offre pour des actifs spécifiques de FTX.
De quels actifs parle-t-il ? Garlinghouse a indiqué que les filiales liées à une clientèle “institutionnelle” étaient intéressantes pour être greffées à l’écosystème Ripple. Mais pas à n’importe quel prix, puisqu’un éventuel accord avec FTX dans le cadre de sa liquidation serait selon lui “très différent de ce qu’il aurait été de gré à gré” …
Environ 130 sociétés sont affiliées à la nébuleuse FTX – dont FTX.US – et ont été incluses dans le document de dépôt de bilan au Delaware. Mais il est intéressant de constater que certaines filiales n’y figurent pas : la chambre de compensation crypto LedgerX, FTX Digital Markets, FTX Australia Pty et la passerelle de paiements FTX Express Pay.
Nous vous rapportions il y a quelques jours que Ripple Labs s’apprêtait à déposer deux demandes de licence auprès de la Central Bank of Ireland (CBI). Une licence de fournisseur de services d’actifs virtuels (VASP) et une autre, plus conventionnelle, d’établissement de monnaie électronique. Déjà liée à un partenariat avec Goldman Sachs sur un projet de réseau blockchain interbancaire, Ripple Labs pourrait donc reprendre les actifs similaires de FTX.
Pas de livres de comptes, des mouvements bancaires enchevêtrés, des tours de table encaissés par le patron, une masse salariale aux contours variables … Comme un calendrier de l’avent, c’est une nouvelle case qui s’ouvre chaque jour sur les dessous de l’effondrement de la crypto-bourse et les montages financiers de ses dirigeants.