Le projet de l’euro numérique est sur la table depuis maintenant 2 ans. Alors que les travaux continuent autour de la digitalisation de l’euro, l’Eurogroupe s’est réuni à Bruxelles afin d’avancer.
Les déclarations de l’Eurogroupe sur l’euro numérique
Les ministres de la zone euro se sont réunis, le 16 janvier, afin de travailler ensemble sur le projet d’euro numérique. Le projet, considéré comme une priorité à l’horizon 2024, a connu quelques progrès.
L’Eurogroupe, à l’issue de cette réunion, s’est adressé à la Banque Centrale Européenne et à la Commission Européenne :
L’Eurogroupe considère que l’introduction d‘un euro numérique ainsi que ses principales caractéristiques et ses choix de conception nécessitent des décisions politiques.
Selon les ministres, plusieurs problèmes doivent être traités. Il sera question de travailler sur l’impact environnemental de l’euro numérique, la sécurité, le respect de la vie privée, et la stabilité financière.
L’Eurogroupe a également affirmé être prêt à contribuer aux débats autour du projet, ajoutant :
Nous saluons également l’intention de la Commission Européen de présenter au premier semestre 2023 une proposition législative qui établirait l’euro numérique et réglementerait ses principales caractéristiques, sous réserve de la décision des législateurs.
Comble de la situation, la publication de l’Eurogroupe intervient quelques jours après une déclaration de l’ancien conseiller de la Banque d’Angleterre affirmant que les CBDC ne valent pas le coup.
Les caractéristiques de l’euro numérique
Il faut d’abord noter avec précision que l’euro numérique ne sera pas une cryptomonnaie. Dans son document officiel, l’Eurogroupe explique clairement les caractéristiques du projet.
Celui-ci devra tout d’abord respecter le droit à la vie privée de chacun. Ainsi, la Banque Centrale Européenne n’aura accès à aucune information concernant les épargnes, les historiques de transaction, ou encore les paiement réguliers de chacun.
La devise devra également être complètement hors ligne. Cela permettra une sécurité supplémentaire et garantira une pleine possession des fonds par les utilisateurs.
L’euro numérique sera un moyen de paiement utilisable entre les individus, dans les magasins, dans les E-commerces et auprès des institutions. Celui-ci devra donc, au moins dans un premier temps, se suppléer au cash, avant d’éventuellement le remplacer.
La Banque Centrale Européenne explique aussi la nécessité d’une monnaie numérique européenne. Selon elle, c’est la pandémie qui a causé une forte hausse des paiements dématérialisés.
Toutefois, la possibilité de payer en cash représente une donnée importante, comme l’indique ce sondage réalisé dans 20 pays européens.
Par ailleurs, le groupe insiste sur le fait qu’un euro numérique permettrait de renforcer la stratégie d’autonomie européenne dans la zone euro.
Si le projet fait fortement penser aux promesses d’un whitepaper, il faut également jeter un œil du côté des dates clés de l’euro numérique afin d’avoir plus d’informations.
Dates clés, ou roadmap du projet européen
- Octobre 2021 : Début du projet d’euro numérique
- 2022 : Travaux sur les cas d’usage, la vie privée, et l’impact sur le système financier. Développement du business model et discussions avec les experts en banque, paiements et assurance.
- Janvier 2023 : Lancement des analyses de marché sur les détails techniques de l’euro numérique.
- Février 2023 : Début de la rédaction des règles et lois liées à l’euro numérique
- Q2 2023 : Rapports sur la réalisation d’un prototype et lancement du deuxième groupe de recherches. Dans un second temps, arrivée des détails techniques définitifs de l’euro numérique.
L’euro numérique : un bitcoin édulcoré ?
La demande en termes de sécurité concernant les paiements en ligne et dématérialisé est croissante. Si, pour la Banque Centrale, le Bitcoin est mort, il semblerait pourtant que celle-ci cherche à marcher sur ses traces.
La comparaison entre l’euro numérique et le bitcoin n’est pas frappante. Si la première est une monnaie digitalisée, centralisée, indexée sur un actif déjà existant, le bitcoin, lui, fait pourtant déjà mieux.
La Banque Centrale Européenne cherche à créer un actif unique sur lequel les institutions n’auraient aucune visibilité. Si cela rappelle brièvement la notion de décentralisation, cela pose surtout la question du respect de la vie privée.
En effet, l’Eurogroupe insiste sur le fait que la BCE n’aura aucune visibilité. Toutefois, rien n’est stipulé concernant les organismes financiers locaux au niveau européen. Rien n’est dit, non plus, concernant les gouvernements eux-mêmes.
Par ailleurs, si le rapport d’Ulrich Bindseil et Jürgen Schaaf pointe du doigt les cas d’utilisation du bitcoin dans le cadre d’opérations illégales, il faudra pourtant craindre la même chose pour l’euro numérique.
Celui-ci serait censé être stocké hors ligne, là où les autorités n’ont pas d’yeux. Par conséquent, quels facteurs permettraient de contrôler si l’actif est utilisé dans un cadre légal ou non ?
Par ailleurs, il convient de rappeler que le cash, bien avant le bitcoin, était déjà l’objet d’échange numéro 1 dans le cadre des transactions illégales.
À l’époque où des centaines de cryptos existent dorénavant sur le marché, les choses ont-elles vraiment changé quant à l’utilisation de nos bons vieux billets de banque concernant les opérations frauduleuses ?
Peut-être l’euro numérique apportera-t-il la solution que le bitcoin, avant lui, avait déjà proposée.
Sources : Conseil Européen, Rapports de progrès de la Banque Centrale Européenne 1 et 2, BCE, Twitter Tony Yates
Pour en savoir plus sur le second rapport de la Banque Centrale Européenne dans le cadre de ses travaux sur l’euro numérique, consultez notre article : La Banque centrale européenne publie un second rapport sur la faisabilité de lancer un euro numérique.
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Romaric Saint Aubert
Crypto-journaliste
