L’écosystème crypto a tremblé comme rarement cette année. Dans la nuit du 9 au 10 mai dernier, l’ancien 3ème plus gros stablecoin du marché s’est effondré pour ne valoir presque plus rien. Ce sont ainsi plus de 30 milliards de dollars partis en fumée à la suite de l’UST, causant de nombreux drames personnels. De mémoire de Cryptonaute, la galaxie crypto n’avait pas connu pareille déflagration depuis le scandale Bitconnect en 2018 ou la faillite de Mt. Gox en 2014. Aujourd’hui nous jetons donc un coup d’œil sur les principaux stablecoins du marché, pour capter leurs dynamiques respectives.
L’USDT de Tether, toujours dominant devant l’USDC et le DAI
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a eu du mouvement autour des stablecoins. Commençons par le changement le plus flagrant : la capitalisation totale des stablecoins a chuté à 135 milliards de dollars, contre près de 200 milliards avant la catastrophe TerraLuna.
On peut clairement distinguer que l’essentiel de ce glissement a eu lieu en mai, avec une discontinuité brutale dans la supply des plus gros stablecoins :
Nous avons donc vu les capitalisations de l’USDT (Tether) et de l’USDC (Circle) diminuer cette année, à mesure que les jetons étaient échangés contre du dollar fiat et retirés de la circulation. Pour l’USDT, les réserves se sont stabilisées à environ 67 milliards de dollars après près de 18 milliards de dollars de rachats auprès de Tether.
Quant à l’USDC (émis principalement sur Ethereum), Circle a réduit son offre à près de 40 milliards de dollars, après avoir avoir flirté avec les 48 milliards durant un février particulièrement intéressant. Une dynamique qui, à l’époque, avait laissé penser aux analystes de la très respectée société Messari que l’USDC allait détrôner l’USDT en octobre – c’est-à-dire maintenant …
Aujourd’hui, c’est plutôt le contraire qui semble se produire. L’USDT regagne du momentum, tandis que l’USDC semble clairement en perdre :
Le DAI de MakerDAO fait une percée remarquée dans la DeFi
Sur le marché des stablecoins, il n’y a pas que l’USDT et l’USDC. Le DAI de MakerDAO (la plus grosse organisation décentralisée hébergée sur le réseau Ethereum) est en train de gagner une traction inédite. Une percée qui est particulièrement visible lorsqu’on s’intéresse à l’indicateur de vélocité.
Sur l’image ci-dessous, la supply sur 1 an a été ajustée par le coefficient de vélocité. Nous pouvons voir que DAI a rapidement gagné en popularité, dominant tous les autres jetons. C’est notamment en raison de son utilisation croissante en tant que crypto-actif de garantie dans la DeFi.
Si la vélocité du DAI impressionne, on remarque aussi que l’USDC est engagé sur une belle dynamique en matière d’échanges, à la différence des autres gros stablecoins. Notez toutefois que la vélocité se mesure on-chain, on peut donc supposer qu’avec les mouvements hors-chaîne le tableau peut être différent.
Après le coup de force de Binance, le BUSD regagne bien du terrain face à l’USDC
Si vous suivez un peu l’actualité des cryptos, il ne vous aura pas échappé que Binance a décidé d’imposer « son » stablecoin dans son écosystème, à compter du 29 septembre dernier (voir notre article Du BUSD sinon rien !).
Une décision unilatérale qui a toutefois épargné l’USDT de Tether, le reste (USDC, USDP et TUSD) étant automatiquement convertis en BUSD – et les paires de trading de type xxx/USDC par conséquent supprimées.
Comme on s’y attendait, l’offre de BUSD a récemment franchi le cap des 21 milliards de dollars. Celle de l’USDC a baissé durant la même période. A échelles ajustées, les dynamiques des deux stablecoins se sont inversées :
Concrètement, la part des volumes au comptant du BUSD a augmenté car celui-ci est désormais la base de toutes les paires crypto/stablecoin (ex : BTC/BUSD) sur Binance, avec l’USDT.
Toutefois, l’USDT continue de dominer les volumes de négociation sur les marchés des échanges centralisés (CEX). Quant à l’USDC il est relativement peu utilisé, mais il reste une devise de cotation populaire pour le trading sur les échanges décentralisés (DEX) et domine plus généralement la DeFi :
Ethereum vs Tron : fortunes diverses pour les deux principales blockchains de stablecoins
Et du côté des blockchains, justement, Tron semble avoir la préférence des particuliers pour leurs transactions. Les transferts de moins de 1000 dollars sont en croissance continue sur la blockchain Tron, tandis que la part d’Ethereum stagne. Quand on connaît le problème persistant des frais de gaz sur Ethereum, ce n’est évidemment pas une surprise.
USDT, USDC et maintenant le DAI : faut-il craindre la ruée vers les Bons du Trésor US ?
Nous vous rapportions il y a quelques jours que Tether avait décidé de se débarrasser de ses dernières réserves en papiers commerciaux (obligations d’entreprises), pour les remplacer par des Bons du Trésor américain. Ce sont pas moins 30 milliards de billets de trésorerie qui sont concernés, sur les 68 milliards de réserves auxquelles est adossé l’USDT.
Peu avant Tether, c’est MakerDAO qui a annoncé sa volonté de jouer la sécurité en délaissant progressivement l’USDC pour les Bons du Trésor US dans les réserves de son DAI. Jusqu’ici, l’USDC constitue en effet 50% des garanties en crypto-actifs du DAI.
Ce basculement massif des stablecoins vers les obligations US, qui servent de valeur refuge en période de fortes turbulences macroéconomiques, fait déjà craindre le pire à certains économistes. Sur CNBC, l’économiste britannique Carol Alexander a fait part de ses inquiétudes quant aux risques systémiques qui commencent à poindre :
“Supposons que dans un avenir proche, au lieu de 80 milliards de dollars, nous ayons 200 milliards de dollars [en réserves de stablecoins, ndlr], dont la plupart sont des titres liquides du gouvernement US. […] Alors, un crash de l’USDT aurait un impact considérable sur les marchés monétaires américains et ferait basculer les marchés mondiaux dans la récession.”
Carol Alexander
Carol Alexander fait peut-être référence à l’inquiétante centralisation des jetons USDT et USDC. Selon la société Santiment, spécialiste des analyses on-chain, 80% des USDT sont détenus par des adresses valorisées à plus d’un million de dollars. Cela représente environ 54 milliards de dollars. Même constat sur l’USDC, où les adresses détenant plus d’un million de dollars concentrent 85% des USDC.
L’impact du futur règlement MiCA est difficile à cerner
La semaine passée, le Conseil européen a voté le règlement sur les marchés des actifs cryptographiques (MiCA) – dont voici le texte – qui devrait entrer en vigueur en 2024. Là où le texte nous intéresse, c’est sur les nouvelles règles qui interdisent la perception d’intérêts par les investisseurs sur les stablecoins. Une mesure contraignante qui pourrait motiver la titrisation de fonds monétaires à jetons ou de dépôts de banques commerciales, qui ne relèvent pas du règlement MiCA et seraient alors libres de verser des intérêts …
En outre, le texte MiCA demanderait un reporting régulier sur les « impacts négatifs sur le climat et d’autres impacts liés à l’environnement [produits par] des mécanismes de consensus ». On peut donc penser que les stablecoins émis sur Ethereum, après son passage à la preuve d’enjeu, ne sont pas menacés. Ni ceux émis sur Tron.
Le changement le plus inquiétant concerne la limitation à 200 millions d’euros du volume quotidien échangé de stablecoins non adossés en euros. Un non-sens sachant que l’écrasante majorité des cryptos stables sont adossées au dollar. L’USDC de Circle capitalise à 40 milliards, alors que le très récent EUROC (toujours de Circle) capitalise à 74,5 millions de dollars au moment où nous écrivons ces lignes …
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Nous voici rendus à la fin de ce mini-dossier sur l’état des stablecoins et de leur marché. Les stablecoins sont en effet des instruments des plus fascinants dans l’écosystème crypto malgré leur … stabilité 🙂. En effet, depuis quelques semaines, la chute de l’euro face au dollar (plus de 20%) a amené bien des particuliers et baleines crypto à se tourner vers les stablecoins indexés au dollar.