La Russie envisage d’autoriser les paiements en crypto-monnaies afin de contourner les sanctions internationales en vigueur. Le pays, jusqu’alors très hostile à l’emploi de cryptoactifs sur le territoire, a exprimé sa volonté d’œuvrer en faveur de leur adoption. Néanmoins, des divisions internes et l’opposition de plateformes d’échanges d’envergure entravent ce projet.
Une annonce quelque peu surprenante
Le ministère des Finances russes a déclaré « considérer sérieusement » l’emploi de cryptomonnaies dans le cadre de paiements internationaux. Cette ouverture contraste drastiquement avec la position russe défendue quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine.
La banque centrale russe avait, en effet, déclaré vouloir interdire l’utilisation et le minage de cryptomonnaies. Selon l’institution, ces dernières constitueraient, par leur volatilité, une menace à la souveraineté et la stabilité financière du pays. La Banque centrale russe a, par ailleurs, ajouté que les cryptoactifs constituent un système de Ponzi et permettent de procéder à du blanchiment d’argent et de financer le terrorisme.
Le marché des cryptomonnaies a toujours été abordé avec méfiance et contradiction dans le pays. Les particuliers y sont, en effet, autorisés à détenir et échanger des cryptoactifs. Cependant, les entreprises et bourses qui s’en approchaient étaient surveillées de très près par les forces de l’ordre.
Quelques semaines après l’invasion de l’Ukraine, le discours des autorités russes a changé. La Russie a, en effet, timidement émit l’idée d’autoriser l’utilisation de crypto-monnaies pour les paiements de son pétrole et son gaz vendus à des pays « amis ». Pavel Zavalny, à la tête du comité de la Douma en charge de l’énergie, avait déclaré à l’époque que la Chine et la Turquie pourraient payer leur énergie en roubles, en yuans ou, même, en bitcoins.
Cette semaine, sous la pression économique des sanctions internationales, la Russie a donc franchi un pas de plus en déclarant envisager l’adoption des cryptoactifs dans les échanges commerciaux internationaux.
Contourner les sanctions internationales grâce aux cryptomonnaies
Le chef du département de politique financière du ministère des Finances russes, Ivan Chebeskov, a déclaré que le gouvernement discutait activement de l’idée d’employer les crypto-monnaies pour les règlements internationaux. Selon ce dernier, cette adoption permettrait de contrer l’impact des sanctions internationales. Celles-ci ont notamment limité l’accès à la Russie aux mécanismes de paiements transfrontaliers traditionnels (comme SWIFT notamment).
Selon l’agence de presse russe TASS, le ministre chargé du Commerce et de l’industrie, Denis Manturov, a déclaré :
La question est de savoir quand cela se produira, comment cela se produira et comment cela sera réglementé. Aujourd’hui, la Banque Centrale et le gouvernement sont activement engagés dans ce domaine.
Est-ce vraiment efficace ?
Le recours à l’emploi des cryptoactifs comme moyen de paiement intervient alors l’économie russe pâtit sérieusement des sanctions internationales mises en place après son invasion de l’Ukraine.
Il convient de noter que cette initiative russe n’aura d’impact que modéré et ne constitue en rien une solution efficace de contournement des sanctions imposées. Corroborant cette idée, Changpeng Zhao, PDG de Binance, a déclaré que les cryptomonnaies restent traçables et ne permettent donc pas d’échapper aux sanctions.
Les plateformes d’échange sont ainsi favorisées dans ce rapport de force. Ces dernières peuvent, si elles le souhaitent, appliquer un régime d’exception aux clients russes. C’est ce que Binance a entrepris. La société a, en effet, interdit l’utilisation de sa plateforme aux clients russes qui détiennent plus de 10 885 dollars. Ce seuil permet d’épargner une grande partie des particuliers et de cibler davantage les dignitaires et entreprises russes.
Coinbase a emboité le pas en déclarant également qu’il fermerait « certains » comptes russes. Cela, afin de s’aligner sur le régime de sanctions établi par la communauté internationale.
Des négociations laborieuses
On le comprend ainsi, les cryptomonnaies ne permettront que très partiellement de passer sous les radars des sanctions en vigueur. En outre, un autre élément vient entraver cette ambition. Tandis que le gouvernement russe envisage d’adopter les crypto-monnaies, la Banque centrale et le ministère des Finances du pays ne partagent pas la même vision.
Pour que les cryptoactifs soient adoptés, les deux institutions doivent impérativement trouver un consensus sur la réglementation à mettre en place. D’une part, le ministère des Finances propose de créer des règles différenciées selon les marchés. Certains d’entre eux pourraient employer les cryptomonnaies et seraient distincts d’autres où elles resteraient prohibées. D’autre part, la Banque centrale souhaite maintenir une interdiction pure et dure des cryptoactifs. Cette dernière maintient qu’elles constituent une menace à la stabilité financière du pays.
Les deux institutions devront donc trouver un compromis pour que la volonté du gouvernement soit mise en place. Notons que le sujet est sur la table des négociations depuis près d’un mois. Pour l’heure, aucun accord n’a encore été trouvé.
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Charles Ledoux
