À l’échelle mondiale, environ deux milliards de personnes sont exclues du système bancaire, soit un quart de la population mondiale. Face à cette problématique, la blockchain peut-elle réellement apporter des solutions viables aux pestiférés du système financier ? Selon un panel, à Web3 Amsterdam, la réponse est évidente.
La blockchain comme remède à la corruption
En 2016, la Tribune expliquait que la Banque de France estimait à 3 millions le nombre de « clients en situation de fragilité bancaire. » Pour Georges Gloukoviezoff, le chiffre est bien plus important, soit approximativement 6 millions de personnes.
À Web3 Amsterdam, la semaine dernière, la question se posait quant à la capacité de la blockchain à proposer des solutions aux personnes exclues. Le premier constat est fort, et il est proposé par Mark Richardson (Bancos) :
« La blockchain s’adapte là où le système bancaire est corrompu ou a échoué. »
Les pays sous-développés ou en voie de développement ont effectivement tout à gagner en misant sur la blockchain. Nul besoin de faire confiance à un système bancaire potentiellement corrompu, ni même à un établissement qui pourrait tout bêtement ne contenir aucun fond.
Professeur Steef Peters (Monflo), tient tout de même à préciser :
« Il faut faire la différence entre les cryptos et le fait d’utiliser la blockchain. Les cryptos sont un marché émergeant encore faible, tandis que la blockchain promet de résoudre des problèmes. Le situation en Europe est différentes de la situation aux US ou en Asie. Les banques sont organisées [en Europe, ndlr] d’une façon qui leur permet de proposer des petits crédits à bas coût. C’est bien ça que la blockchain entend résoudre. »
Des obstacles à l’utilisation de la blockchain – Pourquoi ?
Sur le papier, tout est beau. La blockchain promet des crédits à faibles intérêts ; des moyens d’épargner facilement, des opportunités d’investissement, le tout, en toute sécurité. Pourtant, l’adoption rame.
« Il faut travailler à l’éducation, à l’interface utilisateur et à la régulation », envoi Mark Richardson, « L’approche devrait être concentrée sur la clarté et la localisation des produits. »
Des propos discutables, notamment concernant l’interface et l’expérience utilisateur. Le lendemain du panel, Anton Bukov, cofondateur de 1inch, nous proposait un point de vue différent.
Pour lui, la difficulté de l’utilisation de la blockchain et des protocoles DeFi est relativement logique. Il s’agit du monde financier. Un monde qui se veut complexe par nature, bien avant l’arrivée de la blockchain.
Alors, sommes-nous simplement en train de recréer la finance ?
Une finance 2.0 pour donner sa chance à tout le monde
Mark Richardson explique que la question n’est pas aussi simple qu’il y paraît :
« Oui, nous sommes en train de réinventer la finance et non, nous ne sommes pas en train de réinventer la finance. De nombreuses personnes abusent le système, aux dépens des personnes les plus faibles financièrement. Sur la blockchain, il est possible de développer des solutions afin d’éviter ces situations. Les personnes les moins privilégiées peuvent y utiliser les protocoles adaptés pour améliorer leur situation. »
Vient alors la question qui fâche, et qui n’aura pas manqué de faire grincer les dents des Bitcoin maximalistes. Pourquoi Bitcoin n’est-il pas devenu l’outil dominant de l’écosystème ?
« À cause de la manière dont il est construit », répond Steef Peters, d’un air désolé et concerné. « C’est trop difficile à comprendre et à utiliser ; Ça prend trop longtemps à sécuriser et les étapes pour s’y mettre sont nombreuses et fastidieuses. Quand vous gagnez 300 € par mois, vous ne pouvez pas vous offrir le luxe d’investir dans Bitcoin. En plus, il n’y a aucun crédit possible à cause du manque de confiance. »
En définitive, le panel finira par tomber d’accord sur un point : l’avenir de la finance décentralisée tient dans les stablecoins. Ils permettent non seulement « d’échapper à l’inflation » mais aussi de « sauter quelques étapes dans le processus d’adoption », selon Thijs Maas (onramper).
Sur l’exemple des US en termes de régulation, Mark Richardson prend la mouche :
« Mettons-nous d’accord tout de suite. Les US sont une exception. Le reste du monde travail avec la régulation. Les régulateurs ont mauvaise réputation, mais la plupart du temps, ce ne sont que des idées reçues qui viennent des réseaux sociaux et des mauvais acteurs. »
La narrative ne semble pas vraiment coller à la réalité, selon lui. La clé de l’adoption réside alors dans la communication, les stablecoins et la localisation des produits afin qu’ils soient adaptés à leur public cible.
Enfin, le panel se terminera sur un conseil que chaque intervenant approuvera :
« Arrêtez de vous concentrer sur la tech. Je me fiche de savoir comment fonctionne mon téléphone mobile. Je veux simplement qu’il fonctionne. Les gens veulent des solutions à leurs problèmes, pas un saut de l’ange dans la tech. »
Sources : La Tribune, Georges Gloukoviezoff, Web3 Amsterdam
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Romaric Saint Aubert
Journaliste
