Il y a tout juste sept ans, Robert Shiller, Nobel d’économie, expliquait que Bitcoin n’était qu’une bulle spéculative. Où en est-on vraiment aujourd’hui ?
Un économiste de haute voltige
Robert Shiller est un économiste de renom. Professeur d’économie à la prestigieuse université de Yale, il est considéré comme l’un des chercheurs les plus influents dans son domaine. En 2013, Shiller se voyait décerner le prix Nobel d’économie aux côtés d’Eugene Fama et de Lars Peter Hansen pour leurs travaux sur l’évaluation des actifs.
Il a notamment écrit Irrational Exuberance, une œuvre fondatrice où il détaille et décortique les bulles spéculatives. Il analyse notamment les drames survenus au cours des siècles lorsque le prix des actions, des maisons, mais aussi des tulipes, a augmenté de manière importante. Il a également développé des outils essentiels permettant d’examiner les marchés de manière objective et précise.
Bitcoin : le meilleur exemple d’exubérance irrationnelle
En septembre 2017, Robert Shiller s’était entretenu avec le média Quartz. Le sujet tournait autour des actifs les plus en vogue. La question « quel est le meilleur exemple de bulle spéculative ? » arriva alors. Une question à laquelle Shiller répondit simplement :
« Le meilleur exemple [de bulle spéculative] à l’heure actuelle est le bitcoin. Je pense que cela à avoir avec la motivation que suscite l’histoire du bitcoin. Je l’ai constaté chez mes étudiants à Yale. Quand on commence à parler su bitcoin, ils sont enthousiastes. Je me demande ce qui est si excitant. Il faut penser comme les gens de sciences humaines. Quelle est l’histoire du bitcoin ? »
En d’autres termes, l’économiste considère que Bitcoin n’est finalement qu’une histoire bien racontée, comme une forme de marketing bien ficelé.
Robert Shiller est au fait de l’histoire de Bitcoin
L’éminent professeur semble néanmoins connaître l’histoire de Bitcoin, de sa création jusqu’à maintenant. C’est, du moins, ce que tendent à démontrer ses prochains propos :
« Tout commence avec Satoshi Nakamoto, vous vous souvenez de lui ? Ce personnage mystérieux qui peut être réel ou non. Il n’a jamais été retrouvé. Cela a un côté mystérieux. Et puis il a cette idée astucieuse sur le cryptage, la blockchain et les registres publics, et d’une manière ou d’une autre, cette idée est si puissante que même les gouvernements ne peuvent pas l’arrêter. On ne peut pas réglementer cela.
Cela correspond en quelque sorte à l’angoisse de cette période de l’histoire. Si vous lisez la troisième édition de Irrational Exuberance , je soutiens qu’il existe une profonde angoisse fondamentale à l’égard de notre numérisation et de nos ordinateurs, que les gens se demandent quelle est leur place dans ce nouveau monde. À quoi cela ressemblera-t-il dans 10, 20 ou 30 ans, et est-ce que j’aurai un emploi ? Est-ce que j’aurai quelque chose ?
D’une certaine manière, le bitcoin s’intègre dans tout cela et donne un sentiment de pouvoir : je comprends ce qui se passe ! Je peux spéculer et devenir riche en comprenant cela ! C’est en quelque sorte une solution à l’angoisse fondamentale. J’essaie donc de déconstruire l’histoire du bitcoin. De grandes choses se produisent si quelqu’un invente la bonne histoire et la diffuse. »
En définitive, Robert Shiller essaye de démontrer que Bitcoin n’est finalement que le résultat d’une angoisse. Un pseudo-remède à tous les maux. Une histoire qu’on pourrait facilement se raconter pour se rassurer.
Qu’est-ce qu’une bulle spéculative ?
Robert Shiller marque un point : Bitcoin est bien né d’une angoisse, celle d’un avenir incertain qui ne permet pas de se projeter financièrement. L’idée de Satoshi Nakamoto, dans le Whitepaper de Bitcoin, était de proposer un système indépendant des banques centrales. De cette manière, même en cas d’apocalypse financière, un système alternatif pourrait survivre et permettre de continuer à acheter des biens et des services.
Cependant, il est permis d’émettre quelques doutes quant au fait que Bitcoin ne serait qu’une bulle spéculative. Une bulle spéculative est un phénomène qui se produit quand un actif voit son cours augmenter de manière excessive par rapport à sa valeur réelle ou fondamentale. Le danger réside dans l’éclatement de la bulle quand les investisseurs réalisent que les pris sont trop élevés. Conséquences : pertes financières lourdes, crises financières ou encore récessions.
Où en sommes-nous vraiment avec Bitcoin ?
Pas besoin d’être économiste ou d’avoir un prix Nobel pour se rendre compte que la définition ne colle pas aux faits dans le cas de Bitcoin.
À l’époque où Robert Shiller tenait ces propos, le bitcoin (BTC) valait environ 4,700$. Au moment de la rédaction de cet article, l’actif a évolué et vaut aujourd’hui 55,000$. Hausse depuis sa création : +91,115,550.67%.
En parallèle, l’adoption est en hausse constante. Selon Triple-A, approximativement 560 millions d’individus dans le monde possèdent des crypto-monnaies (7,27% de la population mondiale). Mieux, le nombre de détenteurs de crypto est supérieur au nombre de détenteurs de cartes VISA ou de compte PayPal.
Du côté de Chainalysis, la plateforme dénombre 460 millions d’adresses bitcoin depuis la création du réseau. Enfin, sur les dernières 24h, un volume total de 33,093,873,171$ a été échangé en bitcoin (BTC) selon CoinMarketCap.
Du côté des professionnels, approximativement 250,000 marchands physiques et digitaux acceptent les crypto-monnaies, y compris bitcoin, comme un moyen de paiement. Il convient également de rappeler que Mastercard a récemment développé sa solution de paiement de tous les jours en crypto-monnaies.
Ainsi, il semblerait que les propos de Robert Shiller ne soient plus vrais aujourd’hui. Toutefois, il serait intéressant de l’interroger, à nouveau, sur le même sujet. Les mentalités ont largement évolué autour des crypto-monnaies durant ces 7 dernières années, notamment durant la période relative au covid. Personne ne semble avoir vu venir l’explosion des cryptos. Pas même Robert Shiller.
Sources : Quartz
Sur le même sujet :
- Archives Crypto – Quand Peter Schiff se trompait déjà sur Bitcoin
- Archives Crypto – Quand Craig Wright était déjà un imposteur
- Archives Crypto – Quand le Royaume-Uni refusait de réguler les crypto-monnaies
Partager
Romaric Saint Aubert
Journaliste
